Le sujet de philo au concours d'entrée de l'ENS rue d'Ulm.
Je me souviens, quand j'étais en Khâgne philo, avoir planché tout un weekend sur ce lapidaire sujet "l"objet". Ma copie bredouillante aux mille références kantiennes avait été sanctionnée d'un joli 2/20, le tout agrémenté d'un sermon tout rêche sur "les exigences de la philosophie", la tradition des grandes écoles gnagni gnagna...Le prêche habituel de ces austères et érudits profs de classes prépa.
Je me souviens qu'assis ce soir-là devant La critique de la raison pure de Kant et un bout de papier vierge j'avais médité vainement plusieurs heures sur ce que pouvait bien être cet objet sur lequel on me demandait de disserter (et pas qu'un peu : minimum huit pages)
Je m'étais lancé, naïf, à mille lieues de ce qu'on m'avait demandé. J'avais palabré sur l'objet de consommation - le produit manufacturé Je sortais de mes lectures effrénées de Marcuse, Reich, Althusser, Foucault et Alvin Tofler en écoutant du Pink Floyd, fumant des Gitanes, cheveux longs, idées courtes. Je scribouillais un édito d'Actuel alors qu'on attendait une dissection des conditions a priori de toute connaissance des phénomènes.
Bam ! 2/20. Ma Khâgne commençait bien.
Il a fallu qu'en quelques mois, partant de rien, je m'en rendis compte, j'ingurgite Platon, Kant, Hegel, Hume et Leibniz tout en suivant des cours de français bien tordus sur Lorenzaccio et Francis Ponge.
Donc ce lapidaire "expliquer" ne m'étonne guère. Si vous avez bien mastiqué le programme en amont, c'est du billard, un simple enchaînement de références platoniciennes, aristotéliciennes (ah ! les syllogismes), cartésiennes bien sûr et sans doute hégeliennes (la philosophie de l'ENS s'arrêtant vaguement juste avant Nietzsche)
Pour le quidam qui passe, c'est un gouffre, une pure perplexité, un noumène philosophqiue, une aporie lapidaire. Mais je peux vous dire que le Khâgneux qui a bûché deux ans, 12 heures par jour dans sa petite turne coupée du monde avec ses piles de bouquins et de notes n'est pas le quidam qui passe et que ce sera juste d'ailleurs, six petites heures, pour s'expliquer.
Tag(s) : #Insolite.