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La team balmain

Par Aelezig

Article de Glamour - mars 2015

Entouré d'une équipe resserrée et ultra-soudée, Olivier Rousteing, le très jeune designer de la maison Balmain, a insufflé à ce monument du style parisien un véritable esprit "start-up". Quand la vitalité de la génération Y secoue une vieille dame de la mode...

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L'idée de poser avec ses collaborateurs vient de lui - un fait suffisamment rare dans le monde du luxe pour être souligné. Au moment de faire notre demande d'interview, on s'attendait à obtenir un créneau calibré et chronométré, un tête-à-tête sous haute surveillance, comme c'est souvent le cas à ce niveau de renommée. Il faut dire qu'en quelques saisons à la tête de la maison Balmain, Olivier Rousteing, 28 ans, est devenu le plus jeune mais aussi le plus prometteur des créateurs de la modosphère parisienne. Et accessoirement, une star dotée d'une "fan base" exponentielle de 900.000 followers sur Instagram et d'un cercle impressionnant de BFF (Best Famous Friends).

Pourtant, ce n'est pas de ses dernières vacances chez Kim et Kanye ou de son amitié sulfureuse avec Rihanna dont on a envie de lui parler, mais plutôt de sa façon de voir son métier, lui qui en a encore peu, du métier. Malgré sa précocité, et sûrement grâce à elle, il s'amuse en effet à bousculer l'image du créateur, notamment à grands coups de selfies, et au passage, les codes longtemps figés des maisons de couture.

Premier fait non négligeable, c'est un pur autodidacte qui ne s'émeut guère des obstacles extérieurs et connaît peu de limites intérieures. Compétiteur dès son plus jeune âge, il a toujours foncé avec l'assurance de ceux qui ont été choyés par une famille dévouée, et la rage de ceux qui ont eu à subir l'injustice de la différence (Olivier Rousteing est un enfant adopté). Son ascension est à l'image de son ambition : stratosphérique. Quelques années seulement après avoir quitté Bordeaux, sa ville natale, ce garçon sans piston a fait ses armes cinq années durant chez Cavalli en Italie où il a commencé comme stagiaire puis assistant. Pour son retour au bercail, on l'a vu débarquer aux côtés de Christophe Decarnin, alors designer de Balmain. Une collaboration qui allait durer deux ans jusqu'au burn-out de ce dernier, en 2011. Coup dur ou aubaine ? Un peu des deux sans doute pour ce bras droit de l'ombre qui se retrouve alors propulsé au rang de "head-designer" par le PDG de la maison à seulement 24 ans ! Un retournement de situation totalement inédit dans la galaxie mode parisienne qui explique l'attachement que ce dernier porte à son équipe.

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A une exception près, les jeunes collaborateurs d'Olivier Rousteing ont fait leurs débuts chez Balmain en même temps que lui, souvent comme stagiaires. Et sans leur indéfectible soutien, confie-t-il, il n'aurait sans doute pas été de taille à affronter la tâche immense qui l'attendait. Amanda, Charlotte, Anna, Marie et Michail constituent la garde rapprochée de Rousteing. Une team qui frappe par son calme et sa simplicité quand on connaît la personnalité flamboyante et fougueuse du créateur mais aussi, une équipe créative qui ressemble à l'image que l'on peut se faire de la génération Y : âgés de 25 à 32 ans, ils sont cosmopolites (on y trouve un Grec, deux Danoises, une Portoricaine et une Anglaise, et la plupart ont fait leurs études à Londres ou à New York), connectés, résolument bosseurs et résolument amis. Et leur façon de travailler, collaborative et horizontale, colle davantage à la mentalité d'une start-up qu'à celle d'une septuagénaire de la couture (Balmain a été créé en 1945), un team spirit qui doit beaucoup à la personnalité de leur chef. Rencontre avec des faiseurs de rêves ancrés dans l'air du temps.

Glamour : Il est assez rare qu'un créateur mette en avant son équipe.

Olivier : Oui. C'est aussi une suite logique par rapport à mon ascension ici, car j'étais assistant avant d'en arriver là. Au moment très difficile du départ de Christophe Decarnin, ils m'ont fait confiance. Ils avaient envie d'avancer avec moi. Le président de Balmain aussi. Il y avait une vraie unité, une force.

Amanda : On a tout de suite senti qu'il avait quelque chose en plus dès son arrivée chez Balmain. Il sait réunir les gens, tirer le meilleur de chacun,. Il a une autorité naturelle qui vient de son talent.

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Olivier : Aujourd'hui, on est tous très soudés, on pleure ensemble, on rit ensemble, on sort ensemble, on grandit ensemble. Certains se marient, se pacsent, achètent des appartements. Et on répond tous présents à chaque grand tournant.

Michail : Olivier a réussi à créer une petite famille au sein du studio de création. On vient tous de loin, on est un peu déracinés. Mais il adore la diversité, les gens qui bougent, qui prennent des risques.

Glamour : Quel genre de boss êtes-vous ?

Olivier : Je peux être à la fois très dur et très sensible. Dans les moments difficiles, je suis celui qui doit garder le contrôle, qui va donner la direction. J'ai eu un départ assez dur dans la vie. J'ai été adopté et j'ai dû faire face à des problèmes bien plus grands que ceux d'un designer. La méchanceté des enfants est pire que celle de la presse. Une mauvaise critique après mon défilé n'est rien comparée à certaines remarques que j'ai entendues à 10 ans. Tout cela m'a rendu plus fort, j'ai toujours été un compétiteur et j'essaie de transmettre cette ambition à mon équipe aussi.

Amanda : Olivier est exigeant ; il nous pousse à sortir de nos limites. Je n'aurais jamais imaginé réaliser de telles broderies pour Balmain.

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Glamour : Il semble que vous soyez tous amis. Est-ce que cela vous aide au quotidien ?

Olivier : C'est important, pour moi en tout cas, car on perd vite pied avec cette vie entre New York, Los Angeles ou Dubaï, dans les plus beaux hôtels, au contact des stars. Quand je rentre, je sais que je retourne dans un cocon protecteur qui me permet de ne pas oublier qui je suis, d'où je viens et de garder les pieds sur la terre. L'origine de la chute de nombreux designers, c'est d'être restés dans une tour d'ivoire.

Glamour : Ils osent vous rappeler à l'ordre ou vous remettre en question ?

Olivier : Oui, ils osent. Toujours. Je détestes les filtres. A part sur Instagram.

Marie : Chez Balmain, la communication est directe et honnête. Olivier accepte la contradiction et nous demande souvent notre avis. Il écoute la réponse, mais bien sûr, c'est lui qui décide.

Glamour : Vous avez aussi beaucoup de stagiaires qui manquent d'expérience.

Olivier : J'ai une confiance énorme dans la jeunesse et dans l'apprentissage. Parfois, une personne qui ne sait pas va obtenir un résultat beaucoup plus intéressant que celui qui pense tout savoir. D'ailleurs, mes collaborateurs les plus proches ont commencé comme stagiaires ici.

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Glamour : Balmain, en 2015, c'est une start-up ou toujours une vieille institution de la mode ?

Olivier : C'est un mix des deux. J'essaie d'insuffler à la jeunesse des nouvelles technologies, d'intégrer la pop culture dans cette maison qui a été dépoussiérée, mais en même temps je reste très attaché à des valeurs assez tradi. Je viens d'une famille très française, bordelaise. Le rythme de Balmain, c'est un peu celui de ma vie, celle d'un enfant noir dans une famille très classique.

Glamour : Et au niveau des méthodes de travail, qu'est-ce qui vous différencie des autres maisons ?

Marie : C'et très différent. Ici, on a beaucoup de contacts directs avec le créateur ce qui est assez rare dans ce milieu. Sa porte n'est jamais fermée. Et puis c'est une structure horizontale, pas pyramidale. Chaque styliste, quelle que soit sa spécialité, est impliquée dans toute la collection. Dans d'autres studios, on découvre souvent pour la première fois la collection achevée le jour du défilé. Ici, Olivier nous tient informées de son avancement.

Charlotte : Par exemple, il nous appelle souvent pour assister au fitting, quand les mannequins essaient les vêtements peu de temps avant le show. C'est une vraie récompense.

Glamour : Une question piège à votre équipe... quel est le pire défaut d'Olivier ?

Marie : Son impatience (rires)... On ne travaille jamais assez vite !

Amanda : Il déteste qu'on lui dise non, quand ce n'est pas possible ne raison du budget, de la matière choisie, du manque de temps... Même s'il y a des limites, il faut lui prouver que l'on a tout essayé.

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Olivier : C'est vrai, je suis très impatient. Je veux tout, tout de suite. J'ai commencé très jeune en Italie chez Cavalli, c'est un empire qui mise tout sur la notion de rapidité, d'efficacité, de "no time". Aujourd'hui, je fonctionne comme ça, aussi bien sur une broderie livrée en retard que sur l'évolution de la marque. Souvent mon équipe me calme en me disant : "Olivier, là tu vas trop loin. Il n'y a que quatre ans que tu es ici, attends."

Glamour : D'ailleurs, vous avez choisi pour vous entourer des personnalités qui ont l'air très zen !

Olivier : Je suis le feu et eux, c'est l'eau. Je pense que j'ai du feu pour tout le monde, et eux ont assez d'eau pour éviter l'incendie quand mes flammes montent trop haut.

Glamour : Revenons à vous, à quelle heure êtes-vous le plus créatif ?

Olivier : La nuit quand le bureau s'évapore et que les petites fourmis s'en vont, mon esprit peut commencer à voyager.

Glamour : Votre pause idéale ?

Olivier : Café-clope le matin vers 11 h après avoir répondu à toutes les questions des modélistes. Je passe toujours une heure et demie avec les personnes de l'atelier qui commencent très tôt le matin et partent vers 17 h.

Glamour : Cela vous arrive-t-il d'être de mauvaise humeur ?

Olivier : Oui. Mon équipe le sait quand la musique n'est pas à fond dans mon bureau. Si j'ai mon gros manteau, mon bonnet, que j'arrive en jogging et baskets, c'est aussi que la journée ne commence pas forcément bien.

Glamour : On trouve quoi dans les tiroirs de votre bureau ?

Olivier : Tout et n'importe quoi - des échantillons de vieux tissus, des bracelets backstage pour des concerts, des photos de mon équipe et moi en vacances, des lettres de ma maman ; quand elle en a marre de m'envoyer des textos ou des WhatsApp, elle m'écrit pour me dire que je lui manque.


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