Gao Yu I ©Reuters
La lourde peine infligée à Gao Yu, 71 ans, vient confirmer que le régime du président Xi Jinping n’est prêt à accorder aucun répit aux intellectuels porteurs d’idées réformistes, jugés dangereux pour le maintien au pouvoir du Parti communiste. Gao Yu fut la première lauréate en 1997 du Prix mondial de la liberté de la presse de l’Unesco. L’an dernier, Washington s’était dit "très préoccupé" par le sort de la journaliste d’investigation, récompensée par d’autres prix internationaux. Sa sentence a été annoncée par le tribunal. La journaliste est reconnue coupable "d’avoir transmis des secrets d’Etat à des étrangers", a indiqué la cour sur son compte officiel de microblogs. Shang Baojun, l’un des avocats de la condamnée, s’est dit "très déçu" par le jugement. Juste après l’énoncé du verdict, Gao Yu a exprimé d’une "voix forte" son intention d’interjeter appel, mais on ne lui a pas laissé l’occasion de s’exprimer davantage, a relaté l’avocat. Amnesty International a immédiatement dénoncé un "affront à la justice" et une "attaque contre la liberté de la presse". "Cette sentence consternante à l’encontre de Gao Yu n’est rien d’autre qu’une persécution politique flagrante. Elle est victime d’une loi sur les secrets d’Etat, arbitraire et formulée de façon vague, qui sert à réprimer les militants de la liberté d’expression", a souligné William Nee, expert de la Chine chez Amnesty.De santé fragile, Gao Yu a comparu à huis clos au mois de novembre, pour des accusations dont elle se disait innocente. La presse étrangère s’était vu interdire l’accès au tribunal. Cette ancienne rédactrice en chef-adjointe du magazine Economics Weekly avait été arrêtée fin avril 2014, dans une vague de mises à l’écart de militants des droits de l’Homme à l’approche du 25e anniversaire de la répression du Printemps de Pékin place Tiananmen. Plus précisément, selon l’organisation Human Rights Watch (HRW), on lui reproche d’avoir transmis à un site internet basé aux Etats-Unis un document interne du Parti communiste chinois qui prônait une répression accrue des idées démocratiques, des tentatives d’indépendance des médias et des critiques du bilan historique du PCC.Dans un communiqué, Reporters sans frontières (RSF) a rappelé que Gao YU avait "envoyé à son média une note interne du Parti communiste chinois (le document 9), considérée comme secrète selon les autorités chinoises alors qu’elle avait déjà été publiée sur la Toile". "La communauté internationale ne doit pas donner plus longtemps un blanc-seing à Xi Jinping au nom des intérêts économiques qui la lie avec Pékin". Cette condamnation "est un nouveau coup porté à la liberté d’expression et à la liberté de la presse", a de son côté jugé le PEN American Center, une association d’écrivains militant pour la tolérance et la liberté de parole. Le 8 mai 2014, Gao Yu était apparue à la télévision d’Etat chinoise, dans un reportage où elle admettait ses fautes. Mais, a-t’elle expliqué plus tard à ses avocats, ces aveux lui ont été extorqués. La "confession publique", procédé typiquement totalitaire issu de l’époque maoïste, connait une deuxième jeunesse sous le régime du président Xi Jinping, qui mène campagne pour le renforcement de "l’autorité de la loi". Gao Yu a déjà répondu de divulgation de "secrets d’Etat", un chef d’inculpation qui lui avait valu d’être condamnée en 1993 à six ans de prison. Elle en était sortie en février 1999 pour "raisons médicales". La journaliste d’investigation avait pris part aux manifestations pour la démocratie de Tiananmen en 1989, ce qui lui avait valu une première incarcération.FG