Dérive. Ainsi faudrait-il se résigner à mesurer l’écart des actions publiques entre ce que nous voulons (à condition de vouloir quelque chose de sacré) et ce que nous pouvons, entre le but visé (sauf à ne pas s’en fixer vraiment) et le but atteint, comme si le temps déviait nécessairement toutes les trajectoires… Depuis mai 2012 et l’élection de Normal 1er, environ 100.000 socialistes ont déserté le PS. Selon certaines sources, il n’y aurait même plus que 60.000 adhérents à jour de leurs cotisations. Ébranlés par l’orientation libérale de l’exécutif, les militants et un grand nombre d’élus locaux – pour ce qu’il en reste(ra) – affichent une grande lucidité et désespèrent d’assister à l’émergence d’un néo-rooseveltisme pouvant encore sauver l’honneur. Eux savent qu’il ne sera plus envisageable de refaire le coup de 2012: ne gagner qu’avec une posture de gauche. L’escroquerie est démasquée. Le cœur des abstentionnistes, constitué pour beaucoup d’électeurs socialistes, est désormais orphelin. Et comment Valls entend-il répondre à cette errance? En misant sur le libéralisme assumé, en lorgnant sur la droite de l’échiquier politique. Or pour gagner au centre, il lui manque une structure politique d’un type «blairiste» non négociable. Pour comprendre le cheminement, souvenons-nous du péché originel que constitua la commande par Normal 1er du rapport Gallois, immédiatement suivi du tournant vers «l’offre» et la rigueur, adossé aux critères de la Commission européenne. La nomination de Valls, qui n’avait obtenu que 5% des suffrages lors de la primaire, n’était qu’une suite logique. Leur prochaine étape? Rayer le mot «socialiste» et créer un parti démocrate, peu importe qu’il soit à l’italienne ou à l’américaine. La dérive aussi stupide qu’affligeante semble programmée. D’un côté l’UMP transformée en parti «Républicains». De l’autre un PS virant parti «démocrate».
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 17 avril 2015.]