[note de lecture] Jacques-Henri Michot, "Un ABC de la barbarie", par Pierre Parlant

Par Florence Trocmé

Un ABC de la barbarie est une machine de guerre. Jacques-Henri Michot ne s'en cache pas : " Nécessité que je vois, en fin de compte, de produire aussi une manière de toute petite machine de guerre contre la fausse solidité bétonnée criarde calamiteuse sinistre de la parlerie à prétention "consensuelle"(1). "
Un ABC de la barbarie est aussi un livre stupéfiant en raison de sa chaotique beauté.Il avance vers nous sa redoutable et bienfaisante force.
Pour qu'un livre se change en machine de guerre, il doit pouvoir adopter l'efficacité, la robustesse, la maniabilité de ce type d'invention humaine. Le trait commun de ces engins réside moins dans leur puissance brutale que dans leur aptitude à coïncider, chaque fois que cela est possible, avec la zone de faiblesse adverse. La machine de guerre est donc avant tout un dispositif qui sait jauger l'adversaire et juger de la forme comme du moment opportuns pour agir. Qui la conçoit, puis en fait usage, doit dès lors conjuguer la puissance et la ruse, connaître la portée et la limite de celles-ci, économiser et décider l'engagement pour lutter plus et mieux. Qui l'utilise doit faire preuve d'élégance s'il le faut, et de justesse, celle par exemple qui consiste à savoir trancher sans émousser sa lame, celle qui sait qu'affronter n'est qu'une des modalités possibles du combat, peut-être même souvent son degré le plus bas car l'adversaire bouge lui aussi et change, bien que ce qui l'anime ne soit rien d'autre finalement que l'assez misérable compulsion des maîtres, identique à jamais à elle-même. Qui doit se battre est de surcroît habité par une intuition ; il sait qu'à se doter de la cuirasse, il ne gagne pas forcément. Plus d'une fois sa réussite au combat n'aura été possible, l'Histoire l'a montré, qu'en raison de son aptitude à savoir simplement se dégager, sortir et porter le fer, vite, infiniment. De sorte que la petitesse et la fragilité deviennent des atouts en rendant le mouvement aussi véloce qu'insaisissable.
Un ABC de la barbarie se sait n'être qu'une " toute petite machine de guerre ". Celle-ci n'en impressionne pas moins le lecteur par la mobilité de son intention et la diversité des rythmes qu'elle met en jeu. Un ABC de la barbarie expose en effet, comme en une encyclopédie tourmentée, la série discrète des circulations du monde nôtre, l'espacement de la partition de l'être qu'un usage sinistre de la langue (" mortifère jactance ") voudrait tenir et fixer dans son enclos. [...]

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