Cette loi est pourtant fondamentale : elle institue la mainmise de l'État sur le corps de tous les Français. Tous les Français majeurs deviennent désormais des donneurs présumés consentants, à moins d'avoir signifié leur refus en s'inscrivant au registre national du refus de dons d'organes.
Qui a connaissance d'un tel registre ? Quel jeune de dix-huit ans, à l'âge où l'on se croit immortel, va demander un tel formulaire et l'envoyer par la poste ?
C'est une OPA massive et brutale sur la population qui vient de passer en première lecture à l'Assemblée nationale. En cas de mort accidentelle, les proches n'auront plus leur mot à dire pour le prélèvement d'organes, ils seront seulement informés et plus consultés, mis devant le fait accompli. Alors qu'ils viennent d'apprendre la mort de leur enfant des médecins leur diront ce que l'on va prélever sur le corps de celui-ci.
Bien sûr que cela permettra de sauver beaucoup de vies, tant de gens se trouvent en attente d'une greffe ! Près de 20 000 personnes attendent qui un cœur, qui un poumon ou une cornée. Elles attendent la mort de quelqu'un pour avoir la possibilité de prolonger leur propre vie. Difficile situation par la notion de don volontaire.
Jusqu'à présent une équipe était chargée de préparer les proches, elle était à l'écoute de leur souffrance malgré les délais très courts, seulement quelques heures avant que les fonctions du corps commencent à se dégrader.
Il est vrai que près de 40% des familles refusent que le corps de leur enfant, parti à l'école ou chez des copains et qui a tardé à revenir à la maison soit découpé en morceaux. On leur explique que l'on va prélever les cornées, le cœur, les poumons, les reins. Qui est assez fort pour ne pas secouer la tête avec horreur ? Et puis la souffrance laisse la place à la générosité dans 60% des cas grâce au tact et à l'empathie de ceux qui se trouvent en face d'eux.
Je ne saurai que trop vous recommander de lire le magnifique livre de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants qui traite de ce douloureux sujet.
Cette loi est d'une brutalité terrible. Il ne s'agit plus désormais de don d'organe mais de prélèvement autoritaire. Je ne suis pas sûre que la médecine gagne en humanité. Les listes d'attente vont diminuer et beaucoup plus de receveurs vont vivre, c'est positif. Mais là où ils étaient conscients de la valeur du don que des familles dans un état de souffrance absolue avaient accepté, ils se retrouveront 'avec un organe autoritairement prélevé. Je gage que nombre de problèmes psychiques nouveaux vont apparaître chez les receveurs...
Pourquoi ne pas envoyer au domicile de tout Français (ainsi qu'à chaque jeune atteignant sa majorité) une lettre expliquant le don d'organe en lui demandant son accord pour ce geste citoyen au cas où un malheur arriverait ? Libre à la personne de refuser.
Un consentement éclairé d'un être en pleine conscience vaut beaucoup mieux qu''une souffrance brutale. Pour le personnel hospitalier, pour les familles, pour les malades. En fait pour nous tous.