Avec les beaux jours, voici un plat vietnamien rafraîchissant et simple que j’aime faire pour mes amis, le savoureux et parfumé Bò tái chanh, servi avec une bonne bière fraîche !
Désigné comme le carpaccio vietnamien, le Bò tái chanh (bò = bœuf / tái = peu cuit, saignant ou pâle / chanh = citron) est une délicieuse entrée à base de bœuf bien tendre préparé cru ou saignant, ayant « cuit » dans le jus de citron vert et agrémentée d’ingrédients typiques de gỏi (terme générique pour les salades vietnamiennes) comme les incontournables herbes aromatiques (polygonum rau răm, shiso ou pérille tía tô, menthe, coriandre longue ou épineuse ngò gai, herbe à paddy rau mò om, basilic Thaï rau quế, etc), l’oignon mariné au vinaigre, l’ail ou l’oignon frit, le piment et le tout assaisonnée de sauce nuoc mam préparée aigre-douce au piment ou pas selon les variantes. Parfois servi en salade, on y ajoute aussi des légumes frais râpés ou en julienne comme le concombre, la carotte, le radis blanc, etc, et les petis oignons en pickles (củ kiệu).
À l’origine, n’étant pas un plat traditionnel du Vietnam, la source culinaire est directement inspirée des plats traditionnels de nos pays voisins comme l’exquis Lap Sine Ngoua du Laos ou encore la succulente salade de bœuf Plea Sach Ko du Cambodge dont la base commune de ces recettes sont assez proches, très parfumées, variées, fort en goût (avec l’usage du padek ou du prahok) et particulièrement relevées par le piment. Les herbes utilisées dans ces recettes sont habituellement le polygonum rau ram ou coriandre dite vietnamienne, la menthe et le basilic Thaï.
Le Bò tái chanh n’a pas officiellement UNE recette puisqu’il ne fait pas partie de la cuisine traditionnelle vietnamienne. Au Vietnam, les plats ayant une origine culinaire étrangère sont toujours transformées avec une touche vietnamienne, ce qui offre une grande variété de versions pour laisser libre cours à toutes les interprétations culinaires possibles. Mais sur le principe, le Bò tái chanh est moins pimenté que ses grands frères, bien parfumé par les herbes (polygonum ou rau răm, coriandre épineuse ou ngò gai, herbe à paddy ou rau mò om) sans l’usage des aromates (le galanga et la citronnelle) comme nos voisins, et son assaisonnement moins relevé avec simplement du citron vert (parfois du jus d’ananas ou de tamarin), du nuoc mam pur en très petite quantité, du sucre, du sel et du poivre. La présence du piment est presqu’ anecdotique (par rapport à ses voisins laotiens et cambodgiens)… mais toujours à disposition pour les convives comme il est d’usage sur la table vietnamienne.
Chez les Vietnamiens, la consommation de bœuf cru n’est pas dans les habitudes culinaires. La préparation se fait souvent avec du bœuf ébouillanté puis mariné au citron vert, ou éventuellement, légèrement poêlé. Sans doute pour des raisons d’hygiène. C’est surtout hors du pays, en Occident où l’on trouve du boeuf de qualité et où l’hygiène est respectée, que l’emploi du bœuf cru « cuit » dans le jus de citron vert s’est répandu dans la diaspora vietnamienne. Au Vietnam, en particulier dans le sud, cela reste un plat spécial et cher, que l’on déguste plutôt en apéritif « ăn nhậu » (ăn=manger / nhậu=boire (de l’alcool)), un genre d’apéro généralement réservé aux hommes…
Herbe à paddy : Rau mò om, Rau om, Ngò om
La recette que je propose ici (sauf la sauce) est inspirée du talentueux chef Luke Nguyên d’Australie. L’emploi de l’herbe à paddy dans cette version offre une note citronnée très douce et parfumée qui se marie parfaitement au bœuf au citron. Elle remplace avantageusement la citronnelle qui hachée ou ciselée, n’a pas une texture toujours agréable en bouche. Vous pouvez la trouver fraîche en sachet au rayon des herbes dans les grands magasins d’alimentation asiatique à Paris (personnellement, je vais chez Wing Seng, 2 rue Rebeval, 75019 Paris, qui fournit une grande variété d’herbes aromatiques bien belles et fraîches).
Recette de Bò tái chanh (boeuf cru au citron)
Pour 4 personnes. Temps de préparation : 45 minutes. Temps de marinade : 30 minutes.
Ingrédients
- 500 g de filet ou merlan de bœuf finement émincé
- 200 ml de jus de citron vert (soit environ 4 gros citrons verts)
- 1 cuillère à soupe de nuoc mam (saumure d’anchois, de préférence de Phu Quôc)
- 1 cuillère à soupe de sucre cassonade + 1 cuillère à café
- ½ cuillère à café de sel
- ½ cuillère à café de poivre blanc moulu
- 1 piment rouge (Jalapenos – les gros piments)
- 1 botte d’herbes à paddy (rau mò om) soit une douzaine de brins avec feuilles
- 2 tiges de coriandre épineuse (coriandre longue – ngò gai)
- 1 coeur de batavia (pour le croquant et la douceur) ciselé grossièrement
- 3 cuillères à soupe d’échalotes ou d’oignons frits
- 2 cuillères à soupe de cacahuètes grossièrement concassées
Ngò gai : coriandre longue, épineuse
Oignon rouge mariné :
- 1 petit oignon rouge finement tranché
- 2 cuillères à soupe de vinaigre de riz (ou 1 cuillère à soupe de vinaigre blanc d’alcool)
- 1 cuillère à soupe de sucre en poudre
- ½ cuillère à café de sel
Ail frit :
- 3 gousses d’ail finement haché
- 50 ml (5 cl) d’huile végétale neutre (soit un fond d’huile dans une petite casserole)
Sauce d’accompagnement Nước mắm pha / Nước chấm : Nuoc mam préparé à l’ail et au piment
- 2 cuillères à soupe de nuoc mam pur (saumure d’anchois ou de poisson, de préférence de Phu Quôc)
- 2 cuillères à soupe de sucre cassonade
- 1 cuillère à soupe de vinaigre de riz (ou éventuellement vinaigre de cidre)
- 2 cuillères à soupe de jus de citron vert pressé
- 6 cuillères à soupe d’eau chaude
- 1 gousse d’ail finement haché
- Piment rouge en rondelles ou haché (petit pour les amateurs de piment fort / gros de type Jalapenos pour relever un peu) selon goût.
Préparation
- Émincer très finement l’oignon rouge (semi-rondelles fines). Dans un bol, verser 2 cuillères à soupe de vinaigre de riz (ou 1 cuillère à soupe de vinaigre blanc d’alcool), ajouter 1 cuillère à soupe de sucre et 1 cuillère à café de sel. Bien mélanger jusqu’à complète dissolution du sucre, ajouter les lamelles d’oignon rouge, mélanger et laisser mariner 30 minutes.
- Presser le jus de citron vert.
- Trancher le bœuf en fines lamelles. Ajouter 1 cuillère à soupe rase de sucre cassonade et mélanger. Verser le jus de citron vert pressé sur les lamelles fines de bœuf et faire mariner pendant 20 à 30 minutes.
- Après le temps de marinade, presser la viande en boule dans les mains pour enlever l’excédent de jus et pour essorer. Mettre la viande essorée dans un plat. Verser 1 cuillère à soupe de nuoc mam pur.
- Hacher finement l’ail. Dans une petite casserole, faire chauffer l’huile puis frire l’ail quelques secondes. Dès que l’ail commence à dorer, retirer la casserole du feu et verser l’ail frit et son huile dans un bol pour arrêter la cuisson. Ajouter 3 à 4 cuillères à café rases d’ail frit (sans trop d’huile) à la viande et bien mélanger.
- Ajouter 1 cuillère à soupe de sucre rase, ½ cuillère à café de sel et ½ cuillère à café de poivre blanc moulu et mélanger la viande. Réserver.
- Laver les herbes aromatiques et ciseler grossièrement. Garder de côté 2 tiges d’herbe à paddy (Rau mò om), effeuiller pour le dressage final.
- Facultatif : Couper le piment en fines rondelles (quantité selon goût).
- Ajouter les herbes ciselées, les rondelles de piments à la viande et bien mélanger. Réserver.
- Concasser grossièrement les cacahuètes. Réserver.
- Laver et couper les feuilles de batavia en tronçons. Faire un lit de salade dans une grande assiette. Disposer le bœuf sur la salade. Parsemer de cacahuètes concassées et d’échalote frite. Ajouter quelques lamelles d’oignon rouge mariné. Détacher quelques feuilles d’herbes à paddy pour décorer le plat.
- Au choix : Soit arroser de 2 ou 3 cuillères à soupe de sauce nuoc mam aigre-douce à l’ail et au piment directement sur le boeuf, soit mettre à disposition dans une coupelle pour chaque convive pour y tremper la viande selon goût.
Préparation de la sauce nuoc mam à l’ail et au piment :
- Dans un bol, mélanger 2 cuillères à soupe de sucre cassonade avec 6 cuillères à soupe d’eau chaude pour le dissoudre complètement.
- Verser 1 cuillère à soupe de vinaigre de riz (ou éventuellement vinaigre de cidre), 2 cuillères à soupe de jus de citron vert pressé et 2 cuillères à soupe de nuoc mam pur (saumure d’anchois ou de poisson, de préférence de Phu Quôc).
- Hacher finement 1 gousse d’ail et selon goût, ciseler le piment rouge en rondelles ou le hacher finement. Goûter et rectifier selon goût. Cette sauce doit être salée et aigre-douce, légèrement aillée et pimentée.
Astuces / Conseils
- Si vous ne trouvez pas d’herbes à paddy (rau mo om) ou de coriandre épineuse (ngo gai), remplacez simplement par la combinaison menthe, basilic Thaï et coriandre.
- Si vous n’avez pas de vinaigre de riz, remplacez par du vinaigre de cidre et réduisez légèrement la quantité car il est plus acide.
- En place du piment frais, vous pouvez utiliser la purée de piment Sambal Oelek en pot.
- Pour l’échalote ou l’oignon frit, si vous n’en trouvez pas en pot, faites-en vous-même, c’est facile mais attention aux odeurs tenaces après friture !