Urgence en entreprise : petit traité pour l’honnête homme

Publié le 16 avril 2015 par Christophefaurie
Dernier entretien avec Claudine Catinaud. Les techniques de gestion de l’urgence.
Qu’est-ce que l’honnête homme doit savoir sur l’urgence ? Le plus difficile n’est pas de traiter l’urgence. Il y a des méthodes pour cela ! C’est de la repérer. L’urgence est là, mais personne ne la voit ! Or, certaines situations non prévues peuvent présenter un risque vital… Car tant de choses importantes sont à faire dans une entreprise, tant de précautions à prendre, de procédures à respecter, de reporting à adresser à l’actionnaire, tant de bruits divers… On n’a guère le temps d’entendre la montée insidieuse de la tempête qui s’annonce ! Chaque organisation peut, dans sa zone de confort, être confrontée à l’urgence. Les indicateurs, aussi nombreux soient-ils, ne sont pas toujours suffisants pour faire émerger les alertes. Toute entreprise peut être confrontée à des situations qu’elle n’a pas imaginées, car on ne peut pas tout prévoir… la notion d’urgence est donc relative à chaque organisation. C’est pour cela que le repérage de l’urgence est délicat. Voilà aussi pourquoi il n’existe pas de recette miracle. Et voilà pourquoi il faut rester en alerte afin de repérer les signaux faibles. Il faut savoir s’étonner et oser en parler, le partager. Et pour cela, il faut écouter, observer, questionner. Une technique : enrichir le tour de table des comités de direction, souvent assez lisse en termes de remontées d’information, par un rapport d’étonnement systématique : qu’est-ce qui vous a interpelé ? A ce titre, un évènement insignifiant mais répété peut constituer une alerte. Malheureusement, la plupart du temps, les membres du comité de Direction ne veulent pas se faire remarquer du dirigeant ou de leurs collègues ; ainsi lors des réunions du Comité de Direction, il est souvent de bon ton de dire que « tout va bien ».  La notion de temps est aussi importante. Une période critique est celle de la prise de conscience de l’urgence de la situation : plus la prise de conscience est tardive, plus le temps imparti pour traiter l’urgence sera réduit.
Un exemple de situation dans laquelle il faut être particulièrement vigilant ? Dans les entreprises en transformation, durant les périodes de fusion ou d’intégration d’une acquisition, l’urgence peut naitre d’une focalisation des dirigeants sur le risque propre au projet de fusion. Car ils sont moins vigilants aux risques habituels de la vie quotidienne. Pendant qu’elle est occupée à rassurer les clients, dénouer les résistances au changement, harmoniser pour mieux fusionner (les systèmes d’information et les statuts, par exemple), l’entreprise peut passer à côté d’autres risques moins évidents. Voilà pourquoi, pendant ces périodes de grands changements, le dirigeant doit avoir une double « focale » : celle de réussir son projet de fusion, qui cristallise les énergies, celle d’assurer le fonctionnement opérationnel de l’entreprise. A l’atteinte des objectifs de tous les jours s’ajoute donc l’atteinte des objectifs du projet. Cette période, en soi « extraordinaire », tend à  mobiliser les dirigeants sur les éléments essentiels du projet au détriment de la vigilance et de l’écoute des signaux faibles.
Y a-t-il, tout de même, quelques repères à garder en tête ? Le sens commun produit un certain nombre d’évidences dangereuses. Il existe « trois paradoxes de l’urgence ».
  1. L’urgence est évitable, il n’y a donc qu’à la prévoir. Cette idée reçue est de l’ordre de l'incantation simpliste qui reviendrait à dire « Yaka prévoir » !  Or, l’urgence fait partie de la vie des organisations. La notion d’urgence est  relative à chaque organisation. En cela, l’urgence se différencie de la crise.
  2. L’urgence est facile à repérer, difficile à traiter. C’est l’inverse ! il est facile de traiter l’urgence, en particulier par la rupture. En revanche, il est difficile de la repérer, de comprendre à temps que l’entreprise est dans une zone à risque majeur.  
  3. Quelle que soit la situation, un bon dirigeant sait tout faire. Faux. Il existe un  leadership propre à l’urgence, qui exige de savoir gérer la rupture dans un temps court, c’est à dire prendre la situation en main (agir en commando), mobiliser les acteurs et  remettre l’entreprise en situation de stabilité. 
Au fait, comment sort-on de l’urgence ? De la même manière que l’on décrète l’urgence : en communiquant ! Pour marquer les esprits, on annonce la fin de l’urgence à l’ensemble des acteurs concernés.