Le pitch : L’herbe est-elle plus verte ailleurs ? Un homme, la quarantaine sonnée, marié-deux enfants, mène une vie bien réglée, file la petite mécanique routinière des jours dans une grande ville occidentale, en bord de mer. Un jour, il est attiré par l’horizon maritime qui se dégage entre deux immeubles, une perspective qu’il ne voyait plus et qui lui insuffle un petit pas de côté qui devient un grand écart. Le quadragénaire impavide ne reviendra pas sur ses pas…
Sur un coup de tête, il met les voiles, et sans prévenir, il prend un billet sur un paquebot pour partir. Ailleurs. Loin. Hélas, ce bateau est pris dans une violente tempête. Seul rescapé, le voici naufragé sur une île. Là, habite une communauté très particulière qui vit dans une harmonie provoquée par des médicaments qui rendent « heureux », a priori. Il va partager cette harmonie chimique jusqu’au jour où il oublie de prendre ses pilules et retrouve son libre arbitre. Il décide de s’enfuir à nouveau...
Coté scénario tout d’abord, on suit la vie bien rangée d’un architecte, calqué sur le mode métro-boulot-dodo avec tous les archétypes modernes de la surconsommation. Il est aspiré par le rythme infernal de cette vie, sans jamais lever les yeux. Puis un jour, il perd sa carte bleue dans une bouche d’égout, élément déclencheur qui contrarie la mécanique bien huilée de son train-train quotidien, qui lui permet d’ouvrir les yeux et d’apercevoir entre deux immeubles un bout d’océan. C’est à partir de ce moment que la fuite en avant va commencer. Il "pète un plomb" et se rend sur le port pour s’embarquer sur un cargo, réplique du Titanic. Fin de la première partie, celle-ci n’est pas sans rappeler par certains aspects, l’excellent album d’Etienne Davodeau Lulu, Femme nue.
On retrouve ensuite notre "héros" échoué, seul, sur une île pour le moment déserte. Après quelques planches où sa vie s’apparente à Robinson Crusoé, il découvre une communauté post-hippie à tendance sectaire. La vie s’articule autour de la cueillette du fruit qui permet de fabriquer le fameux médicament qui rend "heureux" et qui structure cette société. On retrouve une sorte de métro-boulot-dodo délocalisé au pays des "Bisounours", jusqu’à un nouvel incident, qui, une fois de plus, va provoquer la fuite en avant de notre "héros". Il atterrit dans une nature luxuriante, qui, peut-être pour lui, est le bout du chemin, la fin de sa quête.
Graphiquement, Grégory Mardon fait un travail chromatique particulier sur cet album. Chacune des étapes de la vie du personnage est marqué par une couleur dominante. Il faut rappeler qu’il s’agit d’un récit muet de plus de 220 pages, et que l’écriture graphique est prépondérante dans ce genre d’exercice. Dans le cas présent c’est la spontanéité du trait, et la multiplication d’éléments "clichés" qui permettent de restituer les ambiances.
Un album qui permet d’ouvrir les yeux sur son propre quotidien, de trouver une respiration. et de réfléchir à ses propres quêtes...