Week-end meurtrier

Publié le 15 avril 2015 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! - Lecteurs et contributeurs: inscrivez-vous / connectez-vous sur les liens à droite --> L'écrivain français François Maspero également éditeur et traducteur, s'est éteint le 11 avril à 83 ans. Lundi 13 avril, c'est l'Allemand Günter Wilhelm Grass, prix Nobel de littérature en 1999, qui disparaît, à 88 ans. Un troisième a aussi disparu et on ne l'a évoqué que fort discrètement, il s'agit de l'Uruguayen Eduardo Hughes Galeano qui est mort le 13 avril à 75 ans, des suites d'une longue maladie. Le président José Mujica l'a décrit comme celui qui avait rendu sa dignité à l'Amérique latine. Un de ses nombreux ouvrages, l'aura rendu célèbre "Las venas abiertas de América Latina" "Les Veines ouvertes de l'Amérique latine", paru en 1971 et traduit en français en 1981 par Claude Couffon, chez Plon, dans la collection Terre humaine. Grâce à lui, il était devenu un intellectuel de la gauche latino-américaine, après avoir été notamment ouvrier, dessinateur, peintre, caissier dans une banque. En 2009, au cours du 5e Sommet des Amériques qui se tenait à Trinidad et Tobago, feu le président vénézuélien Hugo Chávez offrit à Barack Obama un exemplaire de cette véritable Bible latino-américaine. Les ventes s'envolèrent alors aux États-Unis.
Dans cet essai, Galeano analyse l'histoire de l'Amérique latine depuis la colonisation européenne jusqu'à l'époque contemporaine insistant sur le pillage des ressources naturelles par les empires coloniaux, entre les XVIe et XIXe siècles. D'autres pays y participèrent aussi comme le Royaume-Uni et les États-Unis, surtout depuis le XIXe siècle jusqu'à nos jours. L’œuvre, qui demanda à son auteur quatre années de recherches et de collecte des informations ainsi qu'une centaine d'heures pour l'écrire, fut très bien accueillie et devint vite un des classiques de la littérature politique du continent. D'autant plus que c'était l'époque où s'y multipliaient les affrontements de tous ordres. En 1973, se produisit un coup d’État en Uruguay et l'ouvrage est interdit par la censure, de même qu'il le sera dans les pays voisins, le Chili d'Augusto Pinochet et l'Argentina de Jorge Rafael Videla. Galeano doit s'exiler. Isabel Allende, petite cousine de l'ancien président chilien, écrivit un prologue pour les éditions postérieures à 1997.

Les deux parties s'intitulent "La richesse de la terre engendre la pauvreté de l'homme" et "Le développement est un voyage qui fait plus de naufragés qu'il n'y a de navigateurs". Et l'introduction "Cent vingt millions d'enfants au centre de la tourmente". Une sorte de conclusion "Sept ans après", a été rédigée sept ans après la première édition et Galeano y note que la situation, loin de s'être améliorée a empiré. Dans la première parie, il est surtout question de la fièvre de l'or et de l'argent qui a enflammé cette partie du monde à partir de l'arrivée de Christophe Colomb. "Le roi sucre et les autres monarques agricoles" constituent le chapitre le plus important. Il traite des ressources exploitées dans certaines régions suivant la volonté des grandes puissances, par exemple le sucre à Cuba, le caoutchouc au Brésil, la banane en Équateur et la Colombie. "Les sources souterraines du pouvoir": évoque les richesses minières et les atrocités qui accompagnent leur exploitation. Dans la seconde partie, l'auteur parle de l'histoire locale et ses vicissitudes. Et "La structure contemporaine de la spoliation" montre de quelle manière le pillage continue, avec des procédés différents mais non moins efficaces.
Malgré le succès de l'ouvrage, les critiques ne manquèrent pas, on lui reprocha principalement une vision trop simplifiée de l'histoire qui n'avait pas tenu compte des complexités de la rencontre des éléments aborigènes et européens. Eduardo Galeano, en avait conscience et avait reconnu bien volontiers qu'il avait écrit ce livre de près de 400 pages, sans avoir eu les connaissances économiques et politiques suffisantes. Et en 2014, dans une conférence au Brésil, il confiait "Je ne serai plus capable de relire ce livre. Pour moi, cette prose de gauche traditionnelle est pesante". Et d'ajouter "Je n'avais pas la formation nécessaire. je ne me repens cependant pas de l'avoir écrit, pour moi ce fut une étape que j'ai dépassée". Un livre cependant que l'on ne regrettera pas d'avoir lu, tant il aide à comprendre l'actualité du contient sud-américain.