Innovateur de l’année déclaré du MIT TR35, Xavier Duportet, grand curieux, fasciné de l’”infiniment petit” et biologiste confirmé, œuvre pour un antibiotique intelligent.
Un innovateur ? Sur son berceau, sa marraine la bonne fée a dû parsemer une bonne dose de poudre de curiosité. Le moteur de Xavier Duportet, c’est d’abord découvrir. “Entreprendre, oui, mais d’abord créer”. Passionné par la recherche depuis tout petit, Xavier passait des heures dans son jardin à observer les fourmis jusqu’à en élèver une colonie directement dans sa chambre. A l’époque, son héros est d’ailleurs un vieux chercheur passionné. A l’heure où les autres enfants de 12 ans profitent de leurs vacances d’été pour se détendre, Xavier effectue un premier stage de recherche du génie génétique du ver à soie auprès de ce chercheur. “C’est lui qui m’a transmis la passion de la recherche et qui m’a poussé vers le domaine de la génétique.” Cet été-là, il découvre pour la première fois qu’il est possible de modifier un code génétique, découverte qui inspirera des années plus tard sa startup Eligo Bioscience.
Ce sera quelques années plus tard, au CRI, qu’il confirmera son intérêt pour la biologie de synthèse. Il enchaîne les stages de recherche à l’étranger, entre Nouvelle-Zélande et Etats-Unis, et confirme par une thèse sur la modification du vivant chez les mammifères, sous la direction du MIT et de l’INRIA en France. C’est en 2014 qu’il fonde avec un partenaire de l’Institut Pasteur, David Bikard, PhageX, depuis peu re-baptisé Eligo Bioscience.
L’idée disruptive ? Utiliser l’ingénierie génétique pour engendrer une nouvelle génération d’antibiotiques, les eligobiotiques. Le procédé consiste en un antibiotique intelligent, dans le sens qu’il permet de cibler les bactéries et de les éradiquer, si nécessaire, selon si elles possèdent un gène de résistance ou de virulence. “En tuant les bactéries de manière aussi spécifique, contrairement aux antibiotiques traditionnels qui agissent comme des ogives nucléaires et détruisent tout sur leur passage, l’eligobiotique garde le microbiome - les bactéries, complètement intact.” C’est là que Xavier et ses acolytes s’improvisent Robins de Bois en hackant le microbiome. L’astuce est dans la modification des virus des mauvaises bactéries: grâce à un plasmine, soit de l’ADN synthétique injecté dans toutes les bactéries.
Cet ADN code alors une protéine, la nucléase qui fera office de Grande Faucheuse pour les bactéries. Un peu comme un antivirus ou un anti-malware, la nucléase scanne dans un premier temps l’ADN des bactéries. Si elle détecte un gène de virulence ou de résistance, elle découpe alors l’ADN de cette bactérie et en tue par là l’élément néfaste.
En quoi cela nous impacte ? “Le diabète, le cancer, l’obésité sont extrêmement liés à la présence d’une bactérie et par là, au déséquilibre du microbiome [ensemble des bactéries peuplant le corps humain]“ Eligo Biosciences peut, certes, à la fois tuer les bactéries résistantes, et réduire les risques en cas d’opération, par exemple, mais aussi s’attaque aux problèmes de dysbiose, de déséquilibre de la flore. Sur le long terme, la startup pourrait proposer à un patient d’établir un diagnostic des bactéries du corps. Sous trois jours, des éligobiotiques seraient conçus afin d’éliminer les bactéries néfastes. Un concept vertueux et durable, “en éradiquant les bactéries néfastes, celles qui restent prennent leur place et les empêchent de revenir”.
Et à l’avenir ? L’année aura été riche en distinctions : concours mondial de l’innovation 2030, prix Tremplin Entreprises, aujourd’hui, celui de l’Innovateur de l’année du MIT TR35. Xavier Duportet et son équipe seraient actuellement en discussion avec des investisseurs, dans l’optique de lever les fonds nécessaires au recrutement de quatre chercheurs supplémentaires. L’objectif ? “Développer principalement des médicaments contre la maladie de Crohn et à terme, développer un arsenal d’éligobiotiques pour injecter nos petits circuits d’ADN dans les bactéries de notre intestin.” Xavier, enfin, devrait poursuivre son activisme entrepreneurial avec Hello Tomorrow Challenge. Innovateur lui-même, il entend, avec le projet, créer des écosystèmes locaux d’innovateurs à travers le monde. “On parle beaucoup d’entreprenariat web en France, mais il existe plein de chercheurs qui ont quantité de bonnes idées mais ne sont pas pas assez mis en avant. L’idée serait de casser les cloisons et de les faire rencontrer personnes du business, designers, ingénieurs mais aussi industriels.”