Idée insupportable, celle que le suicide puisse devenir un acte ultime de renoncement, parfois de résistance.
Faut-il s’étonner que des entreprises comme Orange soient concernées? Celles dont les missions de service public s’incarnaient jadis dans leurs salariées, eux-mêmes fiers et heureux de participer à ce bien commun que la République exalte tant. Orange, ce fleuron que le monde entier nous enviait, a connu toutes les dérives des nouveaux modes de gestion par le stress, la rentabilité, les mobilités forcées, les objectifs irréalisables, les restructurations, les changements de métiers, la détérioration des rapports entre salariés visant à briser tout esprit de corps. Les remaniements de l’identité exigés, relevant de l’injonction à trahir les règles de l’art puis l’éthique personnelle, ont conduit les salariés, consciemment ou non, à se trahir eux-mêmes pour satisfaire les exigences. Ces organisations du travail ont détruit le collectif et la coopération, la solidarité et le vivre-ensemble, laissant place à la solitude de chacun, la peur. Et le désespoir absolu. Travailler: est-ce seulement produire de la richesse pour des actionnaires invisibles, sans horizon d’épanouissement ni possibilité de se transformer soi-même, au service des autres?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 16 avril 2015.]