Des rafales de Rafale pour Le Drian

Certes notre ministre de la défense Jean-Yves Le Drian est encore loin d’égaler le record du super vendeur d’Airbus John Leahy qui a réussi en 21 ans ŕ propulser l’avionneur européen au second rang mondial. Mais il faut reconnaître que Jean-Yves Le Drian doit avoir une certaine force de persuasion auprčs des pays potentiellement clients de l’avion de combat national, le Rafale de Dassault Aviation, pour avoir fait déboucher en moins de 2 mois ses premičres ventes ŕ l’export alors que le constructeur lui-męme n’arrivait pas ŕ faire aboutir ses tractations, notamment avec l’Inde.
Des négociations longues et trčs discrčtes depuis deux ans et demi qu'il est en poste ont permis au ministre de la Défense de capter le contrat inattendu de l’Egypte qui a commandé 24 Rafale tandis qu’il a réussi en fin de semaine derničre ŕ relancer le contrat engagé il y a trois ans avec l’Inde et dont les négociations étaient quasiment au point mort tant chacun des négociateurs campait sur ses positions. Production et garantie de celles-ci des 108 des 126 appareils en négociation en Inde, réévaluation des prix des appareils en fonction de l’évolution économique et des termes du contrat … ne sont qu’une petite partie des points d’achoppement des négociations qui avaient lieu avec l’Inde. Comme c’est souvent le cas avec le gouvernement indien, les palabres sont longues et les appels d’offres souvent remis question. D’autant qu’en cours de route l’Inde a changé de gouvernement et que son nouveau premier ministre Narendra Modi a l’oreille plus sensible aux besoins de l’armée, notamment dans un contexte oů le pays doit protéger ses frontičres sensibles avec la Chine ou de l’autre côté avec le Pakistan. Les forces aériennes indiennes sont dotées d’avions vieillissants et le contrat initial de 126 avions correspondait ŕ un besoin de renouvellement de 9 escadrons. Bien qu’elle ait engagé la modernisation de ses Mirage 2000 – dont le premier retrofitté lui a d’ailleurs été relivré il y a quelques jours -, l’Inde a donc un besoin urgent des Rafale, mais pour l’heure ce ne sont que 36 appareils sur lesquels s’est engagé Narendra Modi, soit 2 escadrons.
Par contre ils seront tous produits en France. A la cadence actuelle de 11 Rafale par an, assemblés sur la chaîne de Dassault Aviation ŕ Mérignac, cette commande – qui demande toutefois confirmation -- , assure la continuité du programme pour 3 ans et 3 mois auquel il faut ajouter les 24 appareils commandés par l’Egypte qui représentent un peu plus de 2 ans de charge. Des appareils qui non seulement vont permettre d’assurer la cadence mini de la chaîne, mais qui va maintenir des activités chez la kyrielle de sous-traitants qui contribuent ŕ la construction du Rafale.
Au-delŕ du maintien de compétences industrielles et de l’emploi en France, ces contrats permettent aussi de boucler le budget de la Défense française. C’est lŕ qu’entre en jeu Jean-Yves Le Drian car l’équilibre de la LPM – Loi de programmation militaire - mise ŕ jour en début d’année n’était assuré que sur le principe de la vente du Rafale ŕ l’export. Aux termes de cette LPM 2014-2019, l’Etat français avait prévu de n’acquérir que 26 exemplaires du Rafale alors qu’il en fallait 66 pour maintenir la chaîne en activité. Comment alors ne pas se féliciter des 60 appareils vendus ŕ l’Egypte et ŕ l’Inde ?
Pour défendre une Ť LPM bâtie au niveau juste suffisant ť comme l’a rappelé le président du Gifas Marwan Lahoud la semaine derničre, Jean-Yves Le Drian a donc pris son bâton de commercial pour combler le trou constaté de 3 Md€ pour la seule année 2015, Ť ce qui veut dire que 2,4 Md€ sont dus par l’Etat ŕ l’industrie ť a clarifié le président du Gifas.
Discret mais perspicace, Jean-Yves Le Drian issu d’une famille d’ouvriers bretons n’avait certes pas enfourché une carričre de Ť vendeur ť. Aprčs ętre passé par hypokhâgne il obtient une agrégation en histoire contemporaine ŕ la faculté de Rennes. Il s’engage aussi en politique dčs 1974 au sein du PS et devient adjoint au maire de Lorient puis – pour faire cour t- devient député oů il sičgera durant 13 ans en acquérant ses compétences en Défense. Pour autant tout ce cursus ne présageait pas que cette figure de la Défense française actuelle pourrait offrir ŕ la France l’issue de secours dont avait besoin notre industriel national.
Comme semble le savoir notre confrčre des Echos, Alain Ruelo dans son papier du 14 avril, le contrat initial d’acquisition de 126 Rafale par l’Inde est enterré. Au-delŕ des 36 Rafale commandés le vendredi 10 avril, tout achat supplémentaire de Rafale se fera dorénavant de gré ŕ gré entre les Etats indiens et français, Ť L’appel d’offres MMRCA pour lequel Dassault négocie depuis trois ans, est enterré ť. Dont acte.
Nicole Beauclair pour AeroMorning