Il y a la pluie grise, lasse comme un ressassement, qui tombe sur les toits uniformes, et il y a L’échappée belle d’Anna Gavalda : un vol irisé à tire-d’aile. Elle était là dans mon sac depuis des jours cette nouvelle ample et bleutée. Je l’ai ouverte comme on forcerait la porte de secours d’un avion, et ce fut un appel d’air, qui vous renquille le désespoir et vous défait la gaine de l’âme. Gavalda aime ses personnages, et ne les laisse jamais tomber. Leur vie brûle à ses pyromanes, mais sur les cendres, ils la jouent phénix et ça prend. Les voilà égarés, au bord de la crise de nerfs et de la déchirure, mais ils fuient une réunion de famille pour mieux se retrouver encoconnés dans leur noyau fraternel : deux sœurs et deux frères que l’enfance a lié pour le meilleur. Un noyau, ça court se planter à la campagne, ça recherche le terreau des rires – « hénaurmes ». Quand ils s’offrent leur « échappée belle », ils ont la sensation de « braquer une banque », mais ce qu’il braque, c’est un trésor de souvenirs et de complicités. Il suffit parfois d’un tel week-end pour que la vie bascule côté soleil. Gavalda perce les pages par son génie du dialogue pris sur le vif, mais qui se cisèle dans l’ombre de l’écriture, qui avale l’argot des rues de villages, qui se roule dans l’herbe et sirote un vin frais le temps d’un pique-nique. Elle se joue de l’oralité, de la typographie et des sonorités ; les pages sentent bon son amour des mots, des grands auteurs et de la musique pop, avec cette pointe d’espièglerie à vous prendre par surprise. Il y a du Maupassant dans ses portraits équipés d’un zoom télescopique qui saisit jusqu’au détail le plus juste, le plus moderne, le plus vivant. Inoubliable.
Laureline AmanieuxPour le commander en poche sur Amazon, vous pouvez cliquer ici, merci ! : L'échappée belle