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[anthologie permanente] Tennessee Williams

Par Florence Trocmé

Jacques Demarcq vient de publier Dans l’Hiver des villes, une traduction de Tennessee Williams.   
 
 
Lamento pour les papillons de nuit 
 
Une plaie a frappé les papillons de nuit, ils agonisent, 
leurs corps tels des flocons de bronze gisant sur les tapis. 
Les ennemis du délicat partout 
ont soufflé dans l’air une brume pestilentielle.  
 
Lamento pour les papillons veloutés, car ils étaient charmants. 
Leurs tendres pensées souvent, car ils pensaient à moi,  
apaisaient les névroses qui hantent le jour. 
Un mal invisible les a emportés à présent.  
 
Je tourne dans les pièces sombres, ne peux rester calme, 
je dois trouver où le traître assassin se cache.  
Fébrilement je cherche et toujours ils tombent 
aussi fragiles que cendres se brisant contre un mur.  
 
À présent que cette plaie a emporté les papillons de nuit, 
qui sera plus frais que les rideaux contre le jour,  
qui viendra assez tôt apaiser doucement mon sort 
quand je tourne dans les pièces sombres, le cœur tourmenté ?  
 
Donne-leur, ô mère des papillons de nuit et des hommes,  
la force de revenir dans ce monde trop lourd, 
car délicats étaient les papillons de nuit et très recherchés 
ici dans un monde hanté par des bataillons d’ennui mammouth !  
 
 
Lament for the moths 
 
A plague has stricken the moths, the moths are dying,
thier bodies are flakes of bronze on the carpet lying.
Enemies of the delicate everywhere
have breathed a pestilent mist into the air.
Lament for the velvety moths, for the moths were lovely.
Often their tender thoughts, for they thought of me,
eased the neurotic ills that haunt the day.
Now an invisible evil takes them away.
I move through the shadowy rooms, I cannot be still,
I must find where the treacherous killer is concealed.
Feverishly I search and still they fall
as fragile as ashes broken against a wall.
Now that the plague has taken the moths away,
who will be cooler than curtains against the day,
who will come early and softly to ease my lot
as I move through the shadowy rooms with a troubled heart?
Give them, O mother of moths and mother of men,
strength to enter the heavy world again,
for delicate were the moths and badly wanted
here in a world by mammoth figures haunted! 
 
Tennessee Williams, Dans l’Hiver des villes, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Demarcq, édition bilingue,  Seghers, 2015, pp. 52 et 53 
 
Ce livre avait été publié en français en 1960 dans une édition très parcellaire. Il reparait donc dans sa version intégrale et une nouvelle traduction.  


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