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5ème Concert d´Académie au Théâtre national: Ravel, Hartmann et Berlioz

Publié le 15 avril 2015 par Luc-Henri Roger @munichandco

5ème Concert d´Académie au Théâtre national: Ravel, Hartmann et Berlioz

Kirill Petrenko et Christian Gerhaher, la recontre de deux géants de la musique.
Photo: Wilfried Hösl

Kirill Petrenko et l´Orchestre d´Etat de Bavière viennent de donner à Munich, avant Budapest et Vienne, un cinquième concert d´Académie aux saveurs inquiétantes, avec au programme la Valse de Ravel, les Scènes lyriques sur "Sodome et Gomorrhe" de Jean Giraudoux pour baryton et orchestre de Karl Amadeus Hartmann, et, en seconde partie, la Symphonie fantastique de Berlioz. Si le fil rouge des musiques de la soirée est marqué de la griffe apocalyptique de la Mort, avec en point d´orgue le texte terrible de Giraudoux, traduit en allemand, chanté et dit avec une force et une clarté inspirées par Christian Gerhaher, la sourde inquiétude qui en émane est sublimée par une direction d´orchestre et une impeccabilité d´exécution éblouissantes. Une soirée privilégiée dans la vie d´un amateur qui, dans cette magie exécutoire, participe du sublime, sinon du surnaturel.
La beauté de l´oeuvre de Ravel, que le compositeur lui-même avait qualifiée de "tourbillon fantastique et fatal" s´accompagne des scories de l´expérience dévastatrice de la première guerre mondiale. A son origine en 1906, lors du projet initial, elle devait énoncer l´admiration de Ravel pour les valses de Johan Strauss et pour les fastes de la capitale austro-hongroise. La barbarie de la guerre conduisit le compositeur à y exprimer, par-delà la grandeur de la civilisation occidentale, sa déchéance et sa destruction. Le trémolo de la contrebasse à l´entame de la valse ne présage rien de bon, la musique s´élève progressivement, mais comme une réflexion en forme de souvenir sur les charmes passés de la valse straussienne et les impressionnantes beautés de la ville de Vienne qui avaient tellement fasciné Ravel. Les valses se succèdent et le son gonfle, prend de la puissance et s´accélère vers le tragique, au charme succède la destruction et la mort, comme le souligne l´évocation d´un Dies irae, que l´on retrouvera plus tard dans la soirée, en force, à la fin de la Symphonie fantastique. Les brillantes réminiscences du début ont fait place à des couleurs sombres et noires. L´espoir est mort, tout est perdu.
Avec Hartmann, on se rend vite compte combien la Valse de Ravel reste malgré tout une oeuvre charmante, et on monte de plusieurs crans dans l´expression de l´horreur. Toute l´oeuvre de Karl-Amadeus Hartmann, un Munichois né en 1905, exprime sa résistance aux totalitarismes. Ses Scènes lyriques constituent sa dernière partition, laissée inachevée ou plutôt quasi achevée en 1963. L´homme, qui n´avait pas quitté l´Allemagne après 1933, avait alors composé des oeuvres portant des marques subversives de résistance musicale avec des citations de musiques juives ou d´hymnes socialistes, des oeuvres qu´il n´avait alors bien entendu pas publiées, les camps n´étant jamais loin. Sa dernière oeuvre hurle ses inquiétudes: aux destructions de la seconde guerre mondiale et aux persécutions du national-socialisme a succédé une société de consommation apparemment prospère mais à l´orgueil démesuré et qui, rongée de l´intérieur, s´auto-détruit. Hartmann a composé bien dans l´esprit de Giraudoux une musique de fin du monde inspirée du célèbre thème biblique. Le texte allemand adapté de Giraudoux avait été interprété à la création de l´oeuvre par Dieter Fischer-Diskau. Le baryton l´a par ailleurs repris au Théâtre national lors de la création munichoise de l´oeuvre. Aujourd´hui, c´est un Christian Gerhaher poignant de vérité qui chante et déclame  ce texte et bouleverse le public pourtant confronté à la musique difficile de Hartmann. Gerhaher parvient à transmettre le coeur même de la vérité du texte, on sent que tout l´être  du chanteur y est investi, et, avec une superbe diction qui transmet clairement tout le texte, il touche de son authenticité l´âme des spectateurs autant que son chant transporte les oreilles. Ce moment de vérité est un moment d´intimité et d´intériorité, qui nous communique une immense tristesse de fin du monde (le texte se termine pour ces mots terribles: "Es ist ein Ende der Welt! Das Traurigste von allen!").
Après Hartmann, la Symphonie fantastique de Berlioz, semble bien légère, malgré sa Nuit de Walpurgis et son Dies irae. Elle exprime la tentative de poète romantique de conquérir le coeur d´une actrice shakespearienne, avec son intéressant thème de l´idée fixe, qui préfigure de loin le leitmotiv wagnérien. Alors que pendant la première partie de la soirée, Kirill Petrenko et l´orchestre de Bavière nous avaient entraînés sur des chemins escarpés le long des gouffres insondables des malheurs que l´humanité s´inflige et qu´on en oubliait de s´intéresser à l´interprétation et à la direction d´orchestre tant on était pris par la musique, ici l´attention se porte sur le chef et ses magnifiques interprètes. On voit Petrenko en athlète du pupitre diriger avec tout son corps:  il saute, se projette, danse, virevolte presque, s´amuse, communique avec l´orchestre autant par ses gestes que par ses mimiques, il est irrésistible, on pense au Mickey de l´Apprenti sorcier ou de l´heure symphonique tant pour l´investissement que pour la mobilité gestuelle. Mais la comparaison s´ arrête là car avec Kirill Petrenko la précision règne en maîtresse, les tempi sont parfaitement pondérés, et l´orchestre répond au doigt et à l´oeil aux injonctions de son Maestro. La rapidité et la précision des indications orchestrales de Kirill Petrenko, qui est à chaque instant au four et au moulin, est une des clés de son immense succès. C´est en ce sens qu´il peut être comparé à un sportif de haut niveau. Tous les instruments de l´orchestre surnuméraire que demande l´oeuvre de Berlioz sont constamment dirigés par le Maestro. L´ovation du public est énorme, à l´aune de sa reconnaissance

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