Incitée par Mina – une fois n’est pas coutume – , je pars à la découverte des éditions belges et en particulier d’Esperluète. Parmi les nombreux ouvrages de cet éditeur proposé par la bibliothèque de la Part-Dieu, je m’arrête – je ne sais pourquoi – sur un recueil de poésie d’Annemarie Schwarzenbach, voyageuse, écrivaine, poétesse et journaliste suisse : Rives du Congo suivi de Tétouan, deux longs poèmes inspirés de ses séjours en Afrique, illustrés par des photos de voyages issues des carnets de route de l’auteur.
Le texte est proposé en version bilingue allemand-français traduit par les soins de Dominique Laure Miermont. L’écriture – en français – est extrêmement fluide et il est facile de se laisser porter par les mots, de se laisser couler dans l’ambiance d’un décor africain fragmentaire. Lorsque je prend enfin le temps de m’attacher aux détails, aux images, je prend conscience de la beauté de l’espace intérieur dessiné. Entre douceur et douleur de vivre, les échanges entre l’auteur et l’Ange, Dieu, ou l’ailleurs me font penser que – si ce n’est pas déjà le cas – Annemarie Schwarzenbach trouverait largement sa place dans l’essai Par ailleurs (exils) de Linda Lê. L’interlocuteur de Rives du Congo pourrait – dans une moindre mesure – être l’Autre d’Alejandra Pizarnik – ce qui me fait dire que je vois Pizarnik partout ces temps-ci. Si la mélancolie, l’espace contraint, la douleur voire la mort sont des éléments bien présents dans la poésie d’A. Schwarzenbach, la beauté du paysage lunaire ou fluvial, et l’espoir n’en sont pas moins au rendez-vous.
Pour le plaisir, je vous retranscris les premiers vers de Rives du Congo :
Briser maintenant le coquillage
Qui selon d’antédiluviennes croyances renferme des trésors,
bruit de la mer, perles noires, et apaise les nostalgies.
Pesez-le encore une fois au creux de la main : ce n’est rien.
Muet le bourdonnement, lointain le déferlement des vagues,
– et la fraîcheur montant à l’aube de la vallée
humide et ombragée, la lumière sur les sommets,
le velouté des verts pâturages, – comme je les ai aimés !Laissez. Et ne posez pas de question, ne demandez pas
ce que vous devez oublier, ce que vous chérirez,
ce qui ne cessera de nous consoler et nourrir,
pour l’amour de Dieu ne demandez pas,
peut-être l’heure est-elle proche, et mortelle, comme la foudre,
et nous aurons supplié en vain,
aimé en vain. L’aube va se lever
sur la rives du Congo, vous savez déjà
combien l’obscurité recule vite, comme si quelqu’un
se débarrassait de son manteau, descendait d’un pas léger
vers le fleuve, ses épaules lisses luisant
d’une sombre lueur, et remplissait sa main,
et la portait à sa bouche,
et se reposait sur ses talons de la chaleur étouffante de la nuit
et souriait.8 juin 1941
A. Clarac
En me penchant sur ces lignes pour vous en faire part, je relis et m’attarde sur certains vers et ne peut qu’apprécier cette douce poésie gorgée d’espérance. Je regrette amèrement, à nouveau, les dates limite de prêt des bibliothèques… Il y a des livres qui ne s’empruntent pas, il vaut mieux les posséder pour avoir tout le temps nécessaire devant soi pour se les approprier, les déguster, laisser le texte se développer et l’esprit accéder à la totalité de l’espace littéraire créé.
A nouveau, un grand merci à Mina pour cette très belle découverte d’Esperluète ! :D
Challenges concernés
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A la découverte des éditions Esperluète chez Mina
Challenge poésie 2014-2015 sur Babelio