Le Conseil de sécurité de l'Onu a fait montre de fermeté en imposant
mardi un embargo sur les armes contre les rebelles chiites au Yémen,
mais le scepticisme demeure quant aux effets de cette première
résolution depuis le début de la campagne aérienne saoudienne.
Le pays est soumis depuis vingt jours à des raids visant les rebelles
houthis et leurs alliés, des militaires restés fidèles à l'ex-président
Ali Abdallah Saleh. Les centaines de pertes civiles ont de nouveau été
dénoncées par des responsables des Nations unies. Signe de la
déliquescence de l'Etat, des hommes armés de tribus sunnites du sud se
sont emparés, dans le Golfe d'Aden, de l'unique terminal gazier du Yémen, celui de Belhaf, qui assure 30% des revenus publics.
Issue politique demandée
La résolution de l'Onu
somme les miliciens chiites de se retirer des zones qu'ils ont conquises
depuis qu'ils ont lancé l'été 2014, à partir de leur fief dans le nord,
une offensive qui leur a permis de s'emparer de la capitale Sanaa et de
vastes régions du pays. Ils ont pris le pouvoir en janvier à Sanaa,
poussant à la fuite le président Abd Rabbo Mansour Hadi, avant d'avancer
dans le sud où ils ont atteint la ville d'Aden le 26 mars, jour du
début de l'opération aérienne arabe conduite par le royaume sunnite
saoudien. Quatorze des 15 pays membres du Conseil de sécurité ont voté
en faveur de la résolution. La Russie s'est abstenue.
La résolution, mise au point par des pays du Golfe et parrainée
notamment par la Jordanie, demande à "toutes les parties" au conflit de
négocier dans les plus brefs délais une "cessation rapide" des
hostilités. Mais elle n'impose pas à la coalition arabe qui combat les
Houthis, soutenus par l'Iran, de suspendre les raids aériens. Tout au
plus exhorte-t-elle les combattants à préserver la population civile et
charge-t-elle le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, de "redoubler
d'efforts pour faciliter la livraison de l'aide humanitaire".
Le Conseil de sécurité s'était contenté jusqu'ici de proclamer
son soutien au président "légitime" Hadi, réfugié en Arabie saoudite.
Avant le début de la campagne aérienne, il avait imposé des sanctions
contre deux commandants houthis et contre l'ex-président Saleh. Le gel
de leurs avoirs et l'interdiction de voyage n'ont pas infléchi ces
acteurs de la crise yéménite dans leur conquête du pouvoir. Mardi, le
Conseil a décidé le gel des avoirs et une interdiction de voyage contre
le chef des Houthis Abdel Malek Al-Houthi et contre Ahmed Ali Abdallah
Saleh, fils de l'ex-président.
Centaines de civils tués
Néanmoins, des
diplomates du Conseil se montrent sceptiques sur de telles mesures. Ils
rappellent que selon des experts de l'Onu, le Yémen compte déjà plus de
40 millions d'armes et que les Houthis ne voyagent pas régulièrement, ni
ne disposent d'importants comptes bancaires à l'étranger. Quant à
l'embargo sur les armes, l'Iran, qui est soupçonné malgré ses démentis
d'en fournir aux Houthis, est déjà sous le coup d'un embargo. Ce qui n'a
pas empêché Washington d'exhorter l'Iran à le respecter.
Téhéran, qui a condamné la campagne aérienne mené par son rival
saoudien, a proposé de son côté un plan visant à pacifier le Yémen en
ménageant ses alliés houthis. "J'ai proposé un cessez-le-feu, suivi d'un
dialogue incluant toutes les parties et facilité par d'autres", a
déclaré le ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif.
L'ambassadeur russe à l'Onu, Vitali Tchourkine, a souligné que Moscou
aurait préféré que "l'embargo sur les armes soit total", c'est-à-dire
concerne les deux camps et pas seulement les Houthis. Il a aussi estimé
que la résolution n'insistait pas assez sur l'urgence d'une trêve
humanitaire.
Parallèlement, le Haut-Commissaire de l'Onu aux droits de
l'Homme, Zeid Ra'ad al-Hussein, a demandé une enquête sur les pertes
civiles au Yémen où 736 morts ont été enregistrés depuis le début de
l'escalade du conflit. Mais les chiffres réels sont plus élevés car de
nombreux corps ne sont pas envoyés dans les centres médicaux, a indiqué
l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Mardi, les raids aériens et
les combats ont fait 52 morts, majoritairement des Houthis, dans le sud,
selon diverses sources.
El-Qaëda au Yémen a, lui, annoncé dans un communiqué la mort d'un de
ses idéologues en chef, Ibrahim al-Rubaish, tué la veille dans une
attaque de drone américain, signe que les Etats-Unis continuent, malgré
le conflit, leur action contre le réseau extrémiste.
Source : Lorientlejour