La rédaction du blog Creads vous a concocté un compte rendu de la table ronde du 8 avril qui a confronté les points de vue de l’ancienne économie et de la nouvelle économie avec 6 invités représentatifs : BNP Paribas et Ulule, Chauffeur-Privé et Alpha Taxis. Cet article retranscrit les échanges entre Havas et Creads.
Ce débat a opposé Havas, une des plus importantes agences de communication du monde, et Creads une plateforme innovante de création participative (ndlr. Oui on parle de nous-même…) . Frédéric Josué, Global Executive Advisor et responsable de l’innovation chez Havas est dans une démarche d’uberisation de son modèle puisqu’il travaille sur une stratégie à « trois têtes » : big data, contenu et technologie.
Composez le 18
Ce cerbère souhaite-t-il à protéger le pré carré des agences traditionnelles ? « Nous visions une stratégie d’innovation pure, notre objectif : avoir 18 mois d’avance sur la concurrence ».
Dans cette optique, Creads semble plutôt être une source d’inspiration « à Brooklyn, la communauté freelance explose ». Le directeur associé d’Havas voit dans l’économie de plateforme une accélération du processus de transformation de l’économie.
Frédéric Josué y pose néanmoins un bémol « les études prouvent que travailler de chez soi permet certes d’être plus efficace mais aussi moins créatif car vous avez moins d’interactions ».
A Julien Mechin de répondre « les créatifs travaillent souvent quelques jours par semaine dans des espaces de co-working. Ils peuvent aussi intégrer une communauté comme celle de Creads afin d’échanger avec leurs pairs et se donner des conseils. Sur notre site, chaque créatif dispose de son propre profil avec lequel il est libre de rentrer en contact avec les autres membres et d’apporter des conseils sur les créations proposées».
Plus d’idées, plus de créations, plus de satisfaction ?
Interrogé sur le mode de fonctionnement de sa plateforme de création participative, Julien Méchin donne un exemple concret. « Nous avons été contacté par un comparateur en assurances. Le client voulait créer un nom rapidement tout en désirant obtenir beaucoup d’idées, beaucoup de matière première pour faire son choix. Il souhaitait également pouvoir faire voter leur communauté. Nous avons rédigé le brief avec eux et l’avons déposé sur Creads.fr. En quelques jours, le client a reçu plusieurs dizaines de propositions dont une qui lui a beaucoup plu. Voilà comment, en quelques jours et 1 000 euros, Creads a créé Le Lynx »
Le directeur associé d’Havas le souligne, pour une agence comme la sienne, impossible financièrement de développer une identité graphique pour ce tarif « un logo n’a pas de prix ».
Destruction ou création de valeur ?
Cette baisse des prix n’est-elle pas destructrice de valeur ? Pour Julien Mechin les entreprises de l’économie traditionnelle sont encore sur des références du passé en proposant des prix prohibitifs pour des petites structures, « c’est ce qui n’est pas réinvesti qui détruit de la valeur, et qui peut même devenir un frein technologique ».
A l’inverse, le fondateur de Creads envisage comment l’économie à la demande pourrait être créatrice de valeur « en faisant des économies sur certains postes, nous permettons aux entreprises d’investir en innovation par exemple ». En créant un logo à 1 000 euros, Le Lynx a probablement pu réinvestir une partie de son budget communication dans le développement technologique de sa plateforme.
La démocratisation de la communication
De fait, dans l’approche “ancienne économie”, un logo comme celui de Swiss Air vaut plusieurs millions d’euros. Creads s’attaque donc à l’aristocratie de la communication en la démocratisant, en la rendant accessible à tous.
« Le numérique détruit toute forme de barrière à l’entrée et met la créativité et le talent en avant » souligne Julien Mechin. « C’est vrai, surenchérit Frédéric Josué, les plateformes attaquent de front les positions établies, les gourous, les prêcheurs ». Et le directeur d’Havas de confesser avec un sourire amusé que l’agence possède d’ailleurs sa propre plateforme interne avec Victor & Spoils.
Un signal faible qui fait trembler les entreprises traditionnelles
Mais pour Havas, ces nouveaux business models ne sont encore que des signaux faibles, « ce n’est pas la norme ». Néanmoins, si l’économie traditionnelle réalise encore l’essentiel des parts de marché, la nouvelle économie vient la bouleverser. « Aujourd’hui Creads c’est epsilon, demain ce sera tout ».
L’économie fait face à un changement de paradigme. « On a peur de se faire kodakiser et non uberiser ». Par cette formule le directeur associé d’Havas met en avant non sa peur du changement (l’agence évolue avec son époque) mais la peur de ne pas réussir à suivre le mouvement et d’être vouée à disparaître.
Attirer les pépites
Régulièrement attaqué de favoriser le travail spéculatif (par les compétitions), Julien Mechin défend son business : « les agences utilisent beaucoup les freelances qu’elles mettent en compétition, ce n’est pas une invention de Creads. »
La plateforme créée en 2008 a d’ailleurs mis en place des standards de qualité et une charte en vue d’attirer les meilleurs talents, de les protéger et de les garder. Apparemment la stratégie est payante puisque, les 100 créatifs présents dès 2008 sont toujours là en 2014 et ce sont même les plus actifs.
Les business models des deux agences sont évidemment totalement différents : là où Havas mise essentiellement sur des grands comptes pour qui l’agence réalise un important travail de stratégie, Creads propose une variété de profils créatifs, un large choix de création, une rapidité de réalisation pour un budget réduit.
Dans un monde où les ressources rares n’existent plus puisque tout talent est rendu disponible moyennant paiement, nous allons probablement assister prochainement à un rapprochement des business models.
Havas termine ainsi par un mot d’encouragement : « c’est vrai, d’ailleurs le marché va continuer à se restructurer et un jour, Creads aussi risque aussi de s’ankyloser ».