#Hermione
La réplique de la frégate de Lafayette appareillera ce week-end depuis La Rochelle. Après une escale aux Canaries, elle est attendue en juin et juillet dans des ports de la côte Est américaine.
"L'Hermione", à la sortie du port de la Rochelle, en octobre 2014. (©AFP PHOTO / XAVIER LEOTY)
«Une histoire d’eau et de terre, de rêves et de racines…» Le 3 juillet 1999, sous la plume de Luc Le vaillant,
Libération narrait les débuts du chantier pharaonique qui débutait à Rochefort, en Charente-Maritime. A l’époque, les visiteurs, déjà nombreux, payaient en francs leur visite dans les cales du navire en construction… Lire notre reportage.Seize ans plus tard, la réplique exacte de la frégate, à bord de laquelle Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, rejoignit en 1780 les Insurgés américains aux Etats-Unis, est fin prête et sur le point de partir sur les traces du héros français de l’Indépendance.Après une escale aux Îles Canaries, entre le 6 et le 9 mai, l’arrivée sur la côte Est est prévue en juin à Yorktown, lieu symbolique où les troupes américaines et françaises remportèrent le 19 octobre 1781 une bataille décisive contre l’armée anglaise.
BERCEAU ET BONNES FÉES
Un bel épilogue pour une aventure au long cours débutée il y a plus de vingt ans. En 1992, quelques passionnés réunis au sein de l’Association
Hermione-La Fayette décidèrent de ressusciter le navire. Le défi consistait à reconstruire le plus fidèlement possible la frégate d’origine tout en respectant les contraintes réglementaires actuelles (détection incendie, évacuation des eaux, électronique de navigation…). Rochefort, où
l’Hermione d’origine avait été mise en chantier en 1778, servit de berceau à ce projet fou, porté notamment par l’écrivain Erik Orsenna et Benedict Donnelly (par ailleurs fondateur de l’Apaj, l’association organisatrice de notre concours annuel).Depuis l’intérêt du public ne s’est jamais démenti. Des dizaines de milliers de visiteurs ont assisté à chaque étape de la construction de ce trois-mâts de 65 mètres de longueur, arborant fièrement ses 2.200 mètres carrés de voilure, 25 km de cordages, 26 canons, 1.200 tonnes de poids total… Lire aussi notre enquête sur la construction parue sur Libération.fr il y a 15 jours.Ce week-end encore, le succès populaire devrait être au rendez-vous. Une grande fêtesera organisée pour saluer le départ de la frégate. Le
Belem, la frégate
Latouche Tréville, le
Nao Victoria, la
Recouvrance et de nombreux autres navires, seront aux côtés de
L’Hermione dans un spectacle nautique grandiose autour de la rade Fouras-île d’Aix. Plus d’infos sur le site de
l’Hermione.
A La Rochelle, le 22 février 2015. Photo Olivier Blanchet/DPPI.
Fabrice DROUZY14 AVRIL 2015Yann Cariou, commandant de «L’Hermione», pressé de lever l’ancre
L'Hermione, réplique du navire qui emmena La Fayette vers l'Amérique, le 22 février 2015 dans le port de La Rochelle (Photo XAVIER LEOTY. AFP)«L’Hermione», réplique du navire qui emmena La Fayette vers l’Amérique, doit lever l’ancre samedi et le commandant de la frégate, Yann Cariou, s’impatiente déjà: «J’ai hâte de partir. Ce sera plus calme en mer», soupire-t-il dans sa cabine, entre deux ouvriers et leurs coups de marteau.Jusqu’au dernier moment, les préparatifs du périple se poursuivent dans le port de La Rochelle, notamment l’embarquement des 2.000 m2 de voiles. Sollicité de toutes parts par des journalistes ou des anonymes, le «pacha» de l’Hermione n’a pas un moment à lui. «Des philatélistes m’ont demandé de poster leurs lettres depuis les Etats-Unis. Un photographe compte aussi sur moi pour faire tamponner l’un de ses clichés lors d’une escale», raconte-t-il.Et le commandant veut lui-même profiter de ses derniers jours à terre pour faire encadrer des gravures, dont le plan de la «Concorde», «navire-soeur» de «L’Hermione» ayant servi à reconstruire à l’identique la frégate. Commandée par le lieutenant de vaisseau et comte Louis-René-Madeleine de Latouche-Tréville, elle emmena en 1780 Gilbert du Motier, marquis de La Fayette (1757-1834), aider les insurgés américains à gagner leur indépendance contre l’Angleterre.Traits un peu tirés, Yann Cariou, 53 ans,
cheveux gris, répond aux questions en souriant mais sans desserrer les dents. Et il s’amuse de son statut: «Je suis le pacha et le mousse en même temps! Au XVIIIe siècle, le commandant avait cinq valets à son service. Moi, je fais le ménage et la lessive moi-même. J’ai même dû m’acheter un service à vaisselle pour recevoir, deux chandeliers et une théière. C’était comme ça à l’époque».- 'Chaque manoeuvre est un effort' -Si sa cabine occupe toute la largeur de la poupe de «L’Hermione», sous le pont, elle ne présente aucun élément de confort à part une table et quelques chaises en paille. Pas de fauteuil en velours, pas de dorure. Seul un perroquet empaillé baptisé «Latouche» apporte une note de fantaisie.«C’était un vaisseau de guerre», s’exclame le commandant. «Et puis en navigation, l’eau ruisselle du pont et de partout, car un bateau en bois, ça bouge et ça se déforme. Les mâts forcent sur le pont et toute la structure joue», explique-t-il.Samedi 18 avril au soir, le commandant prendra enfin la mer avec ses 80 membres d’équipage, en majorité des volontaires bénévoles mais tous surentraînés.Et ils en auront besoin pour endurer six semaines de traversée, jusqu’à l’arrivée prévue le 5 juin à Yorktown, prévient Yann Cariou, qui a déjà commandé trois ans un autre trois mâts, le célèbre «Belem», et qui compte sept tours du monde en 30 ans de
marine nationale et six ans de marine marchande.Car tout est dur à bord: «Tout pèse lourd. Chaque manoeuvre est un effort, surtout si elle se fait à 45 mètres de hauteur dans le vent et la pluie», souligne-t-il.- 'Bête de course' -«Il y a deux siècles, ils étaient 242 à bord en temps de guerre et 196 en temps de paix, dont 130 dévolus à la manoeuvre. Il fallait 80 hommes pendant deux à trois heures simplement pour remonter l’ancre. Nous, nous serons 80 en tout», poursuit le commandant.«Alors tout reposera sur l’anticipation car nous avons l’avantage de connaître la météo précisément. Nous planifierons tout sur trois jours. Nous décomposerons les manoeuvres. Ce qui demande une heure, nous le commencerons trois heures avant», explique-t-il.Et gare à la casse! «Nous n’avons que deux voiles de rechange. Cela coûte trop cher, 60.000 euros pièce».Si le commandant est impatient d’appareiller, il n’est pas pressé d’arriver pour autant et fera donc primer la sécurité sur la performance: «Nous avons tablé sur une vitesse moyenne de 4,5 noeuds, même si +L’Hermione+ peut aller beaucoup plus vite. Si nous sommes en avance, nous ferons des ronds dans l’eau en attendant. Car contrairement au XVIIIe siècle, nous devons arriver à une date précise. C’est l’enjeu du défi proposé par l’Association Hermione – La Fayette, propriétaire du bateau», souligne Yann Cariou.«Pourtant, +L’Hermione+ est une bête de course, un bateau parfait. On n’a jamais fait mieux depuis», assure l’ancien commandant du «Belem».
AFP 14 AVRIL 2015http://www.liberation.fr/societe/2015/04/14/yann-cariou-commandant-de-l-hermione-presse-de-lever-l-ancre_1240759