Il ne faut pas feindre d’être surpris que Radiohead sorte son neuvième album cette année. En effet, le dernier remonte déjà à quatre ans, et l’on a pu sentir que les membres du groupe ne se sont forcément reposer pendant ce laps de temps.
En attendant ce nouvel opus – dont un premier extrait a été, officiellement et non officiellement à la fois, dévoilé il y a peu, supposément en collaboration avec ni plus ni moins qu’Aphex Twin (que croire de tout cela ?) -, il est nécessaire de s’arrêter sur l’une des discographie les plus saluées de tous les temps, au point de faire de Radiohead le plus grand groupe de ce dernier quart de siècle.
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Avec leur album du début, en 1993, il est certain qu’on est loin de ce que Radiohead est sur le point de devenir. Personnellement, Pablo Honey demeure une énigme tant il m’indiffère. Même son hymne « Creep » me laisse pantois. Pourquoi ? Je pense que, tout simplement, cet album ales défauts d’un premier album, mais n’est pas mauvais pour autant. En somme, je le trouve quelconque. Et même rétrospectivement, je ne lui trouve toujours aucun intérêt. Voilà, je ne vais pas m’acharner dessus, juste vous dire que c’est le seul de leurs albums dont je n’ai pas daigné faire l’acquisition. Point.
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The Bends, ou le début de la grandeur. Radiohead est devenu Radiohead ici, en 1995. Pas en 1997. Le quintet d’Oxford réussit une prouesse inimaginable. Au beau milieu de la vague Brit-pop, les voilà à faire un pied de nez à tous. Ils font pourtant de la pop. Mais aussi du rock. Et c’est là tout le génie de The Bends. Bien sûr, la voix de Thom Yorke ajoute au magnifique de leur musique. Sans pour autant réduire l’album à ce titre – ce qui serait stupide vu les qualités de chacun des douze morceaux du disque -, « Street spirit (fade out) » singularise parfaitement, et mille fois mieux que « Creep » par exemple, ce dont est capable le groupe. Je me souviens encore avoir vu un classement des 50 meilleurs albums de la période 1991-1995, dont Nevermind était d’office hors concours et classé en position n°0, qui plaçait The Bends sur la première marche. Et ce serait probablement encore davantage justifié aujourd’hui, sans avoir à empêcher des votes pour le groupe de Seattle. À noter, la présence de Nigel Godrich en tant qu’ingénieur, et déjà coproducteur du titre « Black star ».
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Plus rien ne sera plus comme avant. Aussi grandiose était le précédent, jamais Radiohead n’aurait pu imaginer, ni même souhaiter tout ce qui allait être dit sur lui et, à plus forte raison, sur son troisième album. OK Computer a mille fois été cité comme le meilleur album, non de l’année 1997, mais de la décennie. Et, très vite, trop vite même, de tous les temps. Rien que ça ! Depuis, les choses se sont un peu taries. Néanmoins, les louanges n’ont pas disparues, elles se sont amplifiées, bonifiées par le temps. Presque partout, OK Computer est n°1 des années 90. Aidé par Nigel Godrich, dès lors tel un membre de l’ombre ou, plus prosaïquement, le 6ème homme, Radiohead a écrit un album pourtant très difficile. À écouter. À mon avis, il possède des joyaux introuvables ailleurs : j’oublierai de mentionner les singles, pour insister sur la plus belle chanson de Radiohead, « Let down » (ex aequo avec « Street spirit (fade out) »). Enfin, c’est-ce que moi je pense. De même, je dois avouer que c’est de leurs albums (hormis le premier qui pour moi ne compte pas) que j’écoute le moins, car je n’y prends pas de plaisir. Du moins, pas plus longtemps que sa première partie. Après la pause « Fitter happier », je dois dire stop. Vous comprenez donc, déjà, que je lui préfère The Bends. Je ne le renie pas, mais il demeure une énigme (tiens, encore ?!).
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Kid A, ou le tournant. Encore ? Oui. Radiohead a accompli un exploit improbable : celui de sortir, dès 2000, l’album qui deviendra très vite la référence de l’année… et de la décennie toute entière. Et cette fois-ci, je suis plutôt d’accord. Bon, placer un disque au-dessus de dizaines, de centaines d’autres, c’est un peu facile. Mais que ce soit Kid A qui revienne le plus couramment cité, voilà un témoignage de ce que fut et est cet album-clé du troisième millénaire. Et Nigel Godrich est bel et bien synonyme de Radiohead, et réciproquement. On en oublierait presque qu’il travaille avec d’autres artistes… Je me souviens encore de la claque « Idioteque », une fois le malaise des premières écoutes de l’album passé. Aujourd’hui, j’irais presque jusqu’à dire que « Treefingers » est, en quelques sortes, le morceau phare de l’album, bien plus encore que le magnifique final « Motion picture soundtrack » (qui n’a rien à voir avec « Exit music (for a film) » sur OK Computer).
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Allez, ne pas laisser souffler les gens. En 2001, Amnesiac vient nous frapper presque aussi fort que Kid A. Presque, car une fois gifler, la surprise du second coup ne peut plus avoir les mêmes effets. C’est bien là le seul défaut de cet album. C’est-à-dire, d’être sorti dans l’ombre de son grand frère. Car tous deux sont issus d’une même session d’écriture, et d’enregistrement. Mais Amnesiac n’est pas un frère jumeau, c’est juste un petit frère. Il est plus jeune et, à ce titre, doit faire ses preuves, tout en étant systématiquement comparé à son grand frère qui, lui, a déjà tout démontré. Avec du recul, Amnesiac est sans nulle doute l’un des meilleurs albums de Radiohead.
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Hail To The Thief sera une sorte de réponse à tant d’encre versée sur eux… les louanges, ça pèse. De surcroît, les critiques négatives vont aussi de paire avec tout ce succès phénoménal. Les guitares s’envolent dès les premiers instants, mais l’électronique chère au groupe, depuis Kid A pour les sourds, mais depuis au moins The Bends pour les mélomanes avertis, n’est pas en reste. Cet album me semble un peu décousu, car mué par une envie de faire et montrer plein de choses. Au point de nous proposer deux titres pour chaque chanson, un titre officiel et un titre plus onirique. Hail To The Thief lui-même se voit sous-titré en The Gloaming… Il y a plusieurs grands moments, tels « I will (No man’s land) » et « () ».
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Sans plus quitter Nigel Godrich, Radiohead va abandonner sa maison de disques et poursuivre sa propre révolution. D’abord publié en ligne, sur Internet, en échange de quelques sous, In Rainbows va rapidement s’imposer, à l’instar d’OK Computer et Kid A, comme l’un des plus grands succès critiques et commerciaux des cinq bonshommes. Avec Amnesiac et The Bends, c’est l’un de mes favoris. Peut-être même tout simplement celui que j’écoute avec le plus grand plaisir. Car il synthétise tout ce que Radiohead fait de mieux tout en ne cherchant pas compliqué. Simple et ô combien efficace et touchant.
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Le dernier album du groupe à ce jour est aussi celui qui a le plus déçu : The King Of Limbs est concis, en huit titres qui se construisent un peu comme ceux de In Rainbows. Il est de toute évidence moins intéressant que les précédents, en tout cas aux premiers abords. Je pense même ne pas l’avoir encore apprivoiser. Tant mieux. Quand je repense à Amnesiac, et surtout à Hail To The Thief que j’avais très vite laisser tomber au point de ne pas poser les oreilles sur In Rainbows avant 2008 ! Et ce n’est qu’après celui-ci que j’ai refait l’effort d’écouter Hail To The Thief et, dans une moindre mesure, Amnesiac. Le prochain Radiohead m’aidera peut-être à découvrir The King Of Limbs. Mais je comprendrai sûrement jamais pourquoi ils remercient tant que ça Drew Barrymore…
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Voilà. Pour ceux qui sont allé écouter « Metastasis », effectivement, on devine les influences d’Aphex Twin. Un peu moins celles de Radiohead. Alors, fake ou pas fake ? Tout reste possible, mais j’ai plutôt envie de croire que non car ça manquerait alors cruellement d’ambition…
(in heepro.wordpress.com, le 13/04/2015)
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