Née à Philadelphie, Eleanora Fagan voit son père, un musicien de jazz, tout de suite quitter le noyau familial.
Sa mère, fille-mère, a été rejetée par sa famille pour avoir eu une enfant alors que non mariée. Incapable de subvenir toute seule à ses besoins, elle la fait élever par sa demie soeur à Baltimore. Dans les 10 premières années de sa vie, la jeune fille est trimbalée à gauche et à droite et est élevée par un peu tout le monde, tour à tour. Elle manque si souvent l'école qu'à 9 ans, elle est envoyée dans un école de réforme. La même année, sa mère ouvre un restaurant et la jeune Eleanora laissera tomber l'école à 11 ans pour y travailler aussi.
Le jour de Noël 1926, un voisin tente de la violer, mais elle réussit à se déprendre de son emprise et sa mère arrive exactement sur les faits. La jeune fille est envoyée dans un maison de protection d'enfants abusés, Eleonara n'a que 12 ans. N'allant plus à l'école, elle se trouve un job de coursière dans un bordel. Elle y entend pour la première fois les musique de Bessie Smith et Louis Armstrong. Elle est séduite.
Maintenant installée à Harlem avec sa mère, elle devient vite, pour ses 14 ans, une prostituée du bordel, à 5$ la nuit. Prenant le prénom d'une actrice qu'elle admire, Billie Dove, ainsi qu'une variation du nom de famille de son propre père qui émerge dans les clubs de jazz (Halliday), Eleoanora Fagan devient Billie Holiday et chante quelques fois les nuits dans les clubs. Sa voix particulière attire l'attention de Benny Goodman et du producteur John Hammond. Hammond réunit les deux quand elle obtient ses 18 ans, pour un premier enregistrement en studio qui vendra 5000 fois. Elle a 20 ans quand Duke Ellington la fait chanter et jouer dans un de ses films (vers 2:15).
Alors que le nouveau swing prend son envol, on plonge Billie Holiday dans le style. Un fréquent collaborateur est le saxophoniste Lester Young. Bien vite des affinités profondes se tisseront entre les deux artistes. C'est lui qui la baptise Lady Day et elle l'appelle amicalement Prez (pour President) en retour. Un morceau enregistré en 1936 vendra plus de 15 000 fois alors que pour un bon succès on considère généralement le tiers de ces chiffres. Holiday est payée un salaire et non à la vente, ce qui est une économie pour la maison de disque, et qui la rend moins riche qu'elle ne pourrait l'être.
Devenue très populaire, elle est recrutée par le band de Count Basie. On la compare favorablement à Ella Fitzgerald, l'autre gros nom du même style et de cette même époque. Elle s'implique beaucoup dans la création des morceaux et dans les arrangements, ce qui frictionnent quelques musiciens et elle passe au band d'Artie Shaw, un blanc. Il s'agit alors de la première collaboration en tournée entre blancs et noirs aux États-Unis. Et ce n'est pas partout bien accueilli, en particulier dans le Sud des États-Unis. Les tournées et les cris racistes de la foule, qui de plus la découvre "noire pâle" (elle a des racines irlandaises fortes) affectent beaucoup Holiday. Shaw la défend honorablement partout. À l'Hôtel Lincoln, les propriétaires blancs exigent qu'elle prenne un autre ascenseur que les blancs et qu'elle quitte l'Hôtel par la porte de la cuisine arrière. c'en est trop, elle quitte le band de Shaw.
Elle ouvre le Cafe Society au Greenwich Village an adaptant un poème anti ségrégation qui donne des frissons. Strange Fruit est un stupéfiant morceau. À la fois profond, touchant, scabreux et insupportablement cruel. Tout simplement bouleversant. Fait cocasse, à cette époque, Holiday est la gardienne d'un naissant Billy Cristal. Son père décède alors que l'on refuse de le soigner à l'hôpital pour des questions raciales alors qu'elle réussit ses meilleures ventes en carrière. Deux ans après avoir ouverte le Cafe Society, plus ou moins reconnue, elle en ressort une superstar.
Holiday n'est toutefois pas particulièrement bien rémunérée. Elle donne beaucoup de son argent à sa mère pour le restaurant et n'en voit pas la couleur quand elle lui demande des faveurs. Après une chicane avec sa mère où elle lui hurle le titre de la chanson, elle compose un de ses morceaux les plus populaires.
Les années 40 sont à la fois très bonnes, mais aussi une descente aux enfers pour Lady Day. Elle vieillit prématurément parce qu'elle consomme de l'héroïne. En mai 1947, elle a 32 ans, et est arrêtée pour possession de drogue et envoyée en prison pendant 9 mois.
Elle fait un spectacle de retour sur scène au Carnegie Hall qui sera un immense succès.
Mais si les spectateurs lui pardonnent ses écarts de conduite, les promoteurs et organisateurs de spectacle ne le font pas. Elle sera bannie de toutes les salles vendant de l'alcool jusqu'à la fin de sa vie.
De plus, elle fréquente des hommes louches, ce qui la fait replonger dans la drogue. Elle est encore arrêtée en 1949. Les stations de radio refusent maintenant de jouer ses musiques, sa réputation étant trop entachée.
Les années 50 sont difficiles pour Billie et peu à peu, on l'efface des ondes. Elle doit faire des tournées internationales afin de tenter de se refaire un nom. Sa carrière en spectacle sur disque sera très bonne vendeuse après sa mort.
En 1956, un autre concert de retour sur scène au Carnegie Hall ressuscite à nouveau Miss Holiday. L'année suivante, elle épouse un loubard de la mafia qui, bien qu'abusif comme la plupart des hommes de la vie de Billie Holiday, a le mérite d'avoir tenté de la faire décrocher de la drogue.
Le 31 mai 1959, elle décède d'un cirrhose du foie à l'âge de 44 ans.
Elle en paraissait 10 de plus.
La chanteuse à la voix unique, maintes fois imitée, aura eu une influence majeure dans le phrasé musical et dans la livraison des mélodies.
Le 7 avril dernier marquait le 100ème anniversaire de sa naissance.