Daredevil est une nouvelle série de 13 épisodes mise ne ligne sur Netflix depuis le 10 avril. Adaptation d’une bande dessinée de Marvel créée en 1964, le personnage principal est Matt Murdock (Charlie Cox), un jeune avocat qui vient tout juste d’ouvrir son cabinet avec son collègue et ami Foggy Nelson (Elden Henson). Aveugle depuis un accident survenu durant son enfance, ses autres sens se sont développés exponentiellement et sa capacité à détecter les sentiments d’autrui lui sert grandement lorsque vient le moment de plaider. S’il défend par voies légales les innocents durant le jour, la nuit, il se vêt tout de noir et tente de se faire justice, plus souvent qu’autrement par ces poings. En prenant en compte les nombreuses adaptations de bandes dessinées de Marvel et de DC Comics à la télévision depuis deux ans, les non-initiés auraient pour réflexe de passer leur tour, mais Daredevil détonne agréablement de ce qu’on a pu voir jusqu’ici, autant dans la narration, la mise en scène ou concernant la profondeur des personnages. Et si parfois le remplissage se fait sentir et que la trame narrative gagnerait à être mieux définie, la série vaut très certainement le coup d’œil.
Prendre son temps, de la bonne façon
Âgé de six ans, c’est en voulant sauver un vieillard d’un accident survenu sur la route que le jeune Matt a reçu un liquide radioactif en plein visage et qui lui a fait perdre a vue. Son père qui l’a élevé seul gagnait chichement sa vie avec ses poings, étant boxeur de profession et ce dernier a toujours insisté pour que son fils poursuive ses études et c’est ainsi que malgré son handicap, il a passé le barreau. Dans le premier épisode, Matt et Foggy ont pour première cliente Karen Page (Deborah An Woll), une jeune secrétaire qui a retrouvé le corps de son collègue gisant dans son appartement et qui a failli y passer en prison alors qu’un garde de sécurité a tenté de l’assassiner. C’est que la jeune femme a vu défiler sous ses yeux des documents prouvant d’exorbitants détournements de fonds de la société Union Allied et de son patron Wilson Fisk (Vincent D’Onofrio) qui trempe aussi dans le commerce de la drogue. Mais chaque fois que la société tente de commettre de nouveaux larcins, un mystérieux homme en noir surnommé Daredevil (Matt) vient leur mettre des bâtons dans les roues. Dans le deuxième épisode, Fisk tente de l’attirer dans un guet-apens en kidnappant un jeune garçon, ce qui éveille de noirs souvenirs chez le super-héros. Dans l’épisode suivant, les deux avocats acceptent de défendre John (Alex Morf) qui a commis un meurtre (légitime défense). Ce crime était en fait un règlement de compte et Matt, grâce à sa vigilance, parvient à récolter des informations sur celui qui deviendra assurément son pire ennemi.
C’est avec cette adaptation de Netflix de Daredevil qu’on est à même de constater qu’il existe un monde entre un service de vidéo sur demande et la télévision traditionnelle. Jusqu’ici, ce sont ABC, The CW, NBC et CBS qui nous ont offert des séries tirées de Marvel ou des DC comics et dans tous les cas présents (Agent Carter, Agents of SHIELDS, The Flash, Constantine, iZombie et Gotham), les épisodes se déclinaient sous forme de procédural : une nouvelle aventure/enquête chaque semaine. Avec Netflix, on ne retrouve pas ce même souci de rigidité, ce qui en a exaspéré certains, dont Noel Murray du A.V. Club : « (…) it’s hard to ignore that, liberated from the demands of advertisers and weekly ratings, Daredevil’s creative team has produced something with very little sense of urgency. » Certes, on pouvait attribuer ce défaut à la dernière du service de la vidéo sur demande, Bloodline, qui prenait beaucoup trop son temps, mais avec Daredevil, c’est autre chose. Bien que les trois épisodes ne se ressemblent pas du tout, on ne s’ennuie pas pour autant, loin de là. Certains mettent l’accent sur des procès ou des enquêtes et d’autres s’attardent davantage à nous présenter une certaine genèse du personnage principal, comme c’est le cas dans le second. Ici, Matt/Daredevil doit retrouver l’enfant kidnappé, mais cette trame occupe à peine 10% de l’épisode. Au lieu de nous montrer comment le héros retrouve l’enfant, on s’intéresse davantage au pourquoi à l’aide de multiples flashbacks de l’enfance de Matt et des valeurs que son père lui a inculquées, à la dure il est vrai. Quelques larmes sont au menu…
On apprécie grandement le souci de donner quelque profondeur au protagoniste, ce qui est toujours relégué au second plan dans les séries du même genre sur les grands networks. La mise en scène, digne du grand écran, vient accentuer ce choix scénaristique. Comme dans Gotham, la ville de Hell’s Kitchen où Daredevil opère est sale et polluée, à l’image du crime qui y sévit et la plupart des scènes extérieures sont tournées dans l’obscurité, à l’image de la cécité du héros. On prend bien soin aussi d’accentuer les battements de cœur et d’ajouter l’écho dans des situations critiques afin de bien transmettre aux téléspectateurs les dons sensoriels de Matt. Notons enfin toutes les fois où les victimes s’adressent à lui alors que nous retrouvons toujours un plan du reflet de celles-ci dans les lunettes noires que porte l’interlocuteur.
Surenchère de « Pow », « Clank », « Zlonk » et autres
S’il y a un reproche que l’on peut adresse à Daredevil, c’est la violence gratuite qui ponctue plusieurs des scènes des épisodes. Empalement, torture, hémoglobine à profusion; on est loin du divertissement familial et âmes sensibles, s’abstenir parce qu’on se retrouve dans les registres de Boardwalk Empire ou Banshee, ce qui n’était vraiment pas nécessaire. De plus, on aurait pu aisément réduire chaque épisode de 5 minutes tellement les scènes de combat s’éternisent. Certes, la chorégraphie est sans failles et vu qu’il s’agit d’une adaptation de bande dessinée, on se fait un vrai devoir d’offrir aux fans de Marvel ces scènes alors qu’on aurait pu les réduire considérablement tout en conservant l’essence de l’œuvre.
Daredevil, encore plus que The Flash, est assurément la meilleure adaptation d’une bande dessinée à ce jour. On s’attache rapidement au personnage principal et bien que la trame narrative à long terme demeure toujours floue après les premiers épisodes, on a quand même envie de poursuivre l’aventure. Et on a beau critiquer ce service de vidéo sur demande, mais à l’opposé d’Amazon par exemple dont le style de ses séries ressemble toutes à celui de HBO, Netflix en crée pour tous les goûts; du divertissement où il n’est point utile de se creuser la cervelle (Orange is the New Black), au drame politique complexe (House of Cards). Plus le temps passe, plus nous y retrouverons des séries originales et à l’image des networks (sauf les cotes d’écoute), chacun devrait y trouver son compte.