Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :
Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.
– Joachim du Bellay
Mon grand père « Papi Charles » est décédé le 31 mars dernier. A l’occasion de la naissance de ma fille il m’avait envoyé une carte représentant ce vaisseau toutes voiles dehors. Il m’écrivait : « La voici embarquée sur le vaisseau grand pavois de la vie… Assurez-lui une bonne traversée. » Alors qu’il a entrepris le dernier grand Voyage vers le Royaume des Cieux, je lui dédie ce poème.