Depuis l'automne 2014, il est d'abord survenu des difficultés d'approvisionnement qui se sont vite transformées en ruptures totales d'approvisionnement des vaccins pentavalents (contenant les valences diphtérie, tétanos, coqueluche, polio et Hémophilus Influenzae b) couramment utilisés chez le nourrisson depuis des années. Ceci a d'abord touché l'Infanrix-Quinta, la spécialité du laboratoire GSK, puis très vite le Pentavac, copié-collé de son concurrent et néanmoins collègue Sanofi-Pasteur-MSD. Que signifie réellement cette arrêt de livraison qui est annoncé pour se prolonger jusqu'à la fin 2015 ?
Premier acte, la disparition programmée du vaccin DTPolio
Il faut savoir en premier lieu tirer les leçons de l'histoire vaccinale franco-française. Est-ce que l'on n'est pas en train de nous rejouer le coup de la suppression du vaccin DTPolio Mérieux (sans adjuvant aluminique). Celui-ci avait d'abord été déclaré "indisponible" pendant plusieurs mois pour également "rupture de la chaine de fabrication". Après ce ballon d'essai, un retour de quelques mois sur le marché l'avait rendu à nouveau disponible, peut-être pour écouler les restes non encore périmés du stock. Mais revirement brutal, en juin 2008, survient une mystérieuse apparition d'un "excès de réactions allergiques" pour un vaccin bien connu et commercialisé depuis plus d'une quarantaine d'années (1966). La commercialisation du DTPolio est brutalement interrompue par la pharmacovigilnace (ANSM) sur demande du laboratoire producteur Sanofi-Pasteur-MSD. Ceci permet de ne plus vendre que le seul vaccin Révaxis (avec adjuvant aluminique), seul sur le marché des DTPolio, en n'ayant plus ainsi qu'une seule chaine de production au lieu de deux. Il est vrai que le "vieux" DTPolio avait fait son temps et ne se vendait que 6,71 €. alors que le "jeune" Révaxis s'affichait à 67,30 €.
Il est indéniable que les responsables de l'ANSM se sont fait plus ou moins manipuler dans cette fable "d'excès de réactions allergiques". Lorsque l'on regarde les chiffres exacts d'effets secondaires rapportés par le producteur, on a du mal à croire que ces chiffres n'ont pas été triturés. Sur les deux années 2007/2008, les pourcentages respectifs des doses vaccinales vendues sont de 72% pour 2007 et donc 28% pour 2008. Or les effets indésirables rapportées par le fabricant sur ces deux mêmes années sont inversés, respectivement 21% en 2007 et 79% en 2008. La probabilité statistique d'une telle répartition est de 1,16/100 000... Cherchez l'erreur, il est en fait probable que des allergies survenues en 2007 aient été décalées de quelques mois afin de venir gonfler les réactions allergiques du début de l'année 2008 comme l'ont bien repéré les responsables de l'association E3M (1).
Deuxième acte, le défaut d’approvisionnement des vaccins pentavalents DTCoqPolio+Hémophilus Influenzae b (Infanrix-Quinta et Pentavac).
Cette pénurie est bizarrement survenu quasiment en même temps sur les chaines de fabrications des deux industriels GSK puis Sanofi-Pasteur-MSD. On nous prédit "des tensions d’approvisionnement sur l’ensemble de l’année 2015 avec possibilité de ruptures de stock ponctuelles". En réalité, ces deux vaccins sont désormais introuvables.
Les pharmaciens nous proposent de les remplacer par leur petits frères tétravalents DTCoqPolio (Infanrix-Tétra et Tétravac) en les mélangeant si besoin avec la valence Hémophilus Influenzae b (Act-HiB). Mais ce sont désormais ces deux succédanés qui deviennent difficilement dénichables dans les officines et qui vont bientôt disparaitre totalement à leur tour de la circulation vaccinale.
Que disent les industriel du vaccin ? Selon le laboratoire GSK, il ne s’agit pas à proprement parler de ruptures de stock mais plutôt de « fortes tensions qui ne permettent pas de répondre à toutes les demandes de manière satisfaisante »... Ses responsables annoncent « s’attacher à allouer les doses disponibles, dans le respect du calendrier vaccinal de chaque pays ». Si on lit bien entre les lignes, le Comité technique des vaccinations recommandant le vaccin hexavalent (contenant la valence contre l'hépatite B) de façon systématique chez tous les nourrissons en France, nous nous engageons à vous délivrer que ce vaccin et rien d'autre. Vos voisins européens (2) où la vaccination contre l'hépatite B systématique n'est pas conseillée (Grande-Bretagne, Hongrie, Islande, Finlande, Norvège, Suède, Slovénie) pourront par contre bénéficier de cette exclusivité.
La raison résiderait en partie dans une hausse des demandes de vaccin coquelucheux cellulaire à l’échelle mondiale qui, pour le laboratoire Sanofi-Pasteur-MSD, conduit exceptionnellement « à des difficultés d’approvisionnement concomitantes pour les deux vaccins pentavalents ». Sauf qu'on ne peut s'empêcher de remarquer que le vaccin Infanrix-Hexa (visant 6 maladies dont la coqueluche) reste, lui, totalement disponible comme si cette difficulté ne le concernait pas.
Comment respecter la sacro-sainte obligation légale vaccinale (les 3 valences contre DT et Polio) lorsque la pénurie fait rage?
- Pour les injections du nourrisson, ou bien on attend le déluge... ou bien on achète le vaccin hexavalent, commercialisé sous le nom d'Infanrix-Hexa (DTCoqPolio + Hémophilus Influenzae b + Hépatite B) contenant donc la valence contre l'hépatite B que certains parents refusent d'injecter chez leurs enfants, ce qui est leur droit absolu (Pour ceux qui penseraient encore que la myéline n'existe pas chez le nourrisson et ne saurait donc pas être touchée, lire l'article "Le vaccin, la myéline et l'enfant" ).
Troisième possibilité, d'après un communiqué du HCSP (Haut conseil de santé publique), "certains centres de Protection maternelle et infantile (PMI) ou d’autres centres publics de vaccination possèdent en stock des doses de vaccins pentavalents" (3). De façon très curieuse, ses responsables préconisent d'organiser un circuit parallèle de vaccination: "le HCSP recommande que les vaccins pentavalents ne soient plus disponibles en officine et qu’un circuit soit mis en place (par exemple via les grossistes répartiteurs) pour permettre l’accès au vaccin des populations prioritaires". Lorsqu'on lit cela, on se croirait revenu à l'époques des tickets de rationnement et on imagine facilement la mise en place d'un marché noir de vaccins vendus sous le manteau. En réalité, ce circuit officiel sera vite tari du fait des fameuse "tensions" dont souffrent nos pauvres producteurs de vaccins.
Bénéfices pour le Ministère de la santé, l'augmentation mécanique du pourcentage de couverture vaccinale contre l'hépatite B des nourrissons en forçantles parents craignant de laisser passer l'heure de la vaccination protectrice à ne plus leur proposer la liberté de choix. Bénéfices pour les actionnaires de GSK: L'Infanrix-Hexa est vendu 40,04 € et l'Infanrix Quinta 27,21 €
- Pour le rappel de 6 ans 1/2, s'il n'y a plus de vaccin tétravalents DTCoqPolio, il reste à utiliser les présentaions adultes seules disponibles (Boostrix et Répévax) à valence diphtérique réduite et dont l'AMM a été avancé il y a peu de temps. Bénéfices pour les actionnaires de GSK : Boostrix Tétra est vendu 25 € et Infanrix-Tétra 14,88 €. Bénéfices pour les actionnaires de Sanofi-Pasteur : Répévax coûte 24,13 € contre un Tétravac acellulaire à 14,88 €.
- Perte et profits pour la CPAM : à vos calculettes, sachant qu'il y a environ 750.000 naissances par an en France.
Cette rupture de "coke en stock" sent l'entourloupe à plein nez.
On comprend mal comment deux grands laboratoires internationaux producteurs de vaccins voient leurs chaines de fabrication du même produit se mettre en roue libre puis en panne sèche en même temps. L'objectif premier est très certainement de simplifier les processus de fabrication, de travailler "à flux tendu" (pour éviter les stocks et les pertes) afin d'améliorer la rentabilité financière des firmes.
Il est vrai que nos pauvres "partenaires" de l'industrie subissent la crise de plein fouet lorsque l'on regarde leurs comptes. Pour info, les chiffres de Sanofi de 2013 avaient publié un chiffre d'affaire (C.A.) de 33 milliards € dont 3.7 milliards (11% du C.A.) pour la branche vaccins. Le résultat opérationnel est de 9.3 milliards € (28% du C.A.) dont les actionnaires se sont partagés 3.7 milliards (11% du CA).
Parmi les actionnaires qui reçoivent cette belle manne, il y a l'Oreal, propriété de la famille Bettencourt. L'Oréal détient 8,95% des actions et dispose de 16,26% des droits de vote de Sanofi (chiffres d'août 2014). Il s'agit de l'actionnaire principal avec ensuite beaucoup de fonds de pension. L'Oréal a créé la fondation Bettencourt. Celle-ci finance de manière très importante les travaux d'une équipe de l'hopital de la Salpétrière (Les Pr. Brücker, sa compagne Christine Katlama et Brigitte Autran, au travers de trois associations qui travaillent notamment à la recherche sur les vaccins, dont ceux contre le SIDA). Pour la petite histoire, le Pr. Brücker, ancien directeur général de l'INVS (Institut national de veille sanitaire), est le médecin qui a attesté de la bonne santé mentale de Mme Bettencourt, alors que ce n'était semble-t-il pas le cas... Quant à Mme Brigitte Autran, elle est membre éminent du Comité Technique des Vaccinations, qui conseille le gouvernement dans ses choix de politique vaccinale. On imagine facilement que les petits arrangemets entre amis sont facilités par ces intrications financières majeures (4).
Dr Robert COHEN, coordonnateur d'Infovac
et direceur scientifique d'ACTIV
En 2013, la députée européenne Michèle Rivasi estimait alors en parlant du vaccin DTPolio qui avait été effacé des tablettes vaccinales : « Nous sommes ni plus ni moins dans un schéma de vente forcée et de désinformation du consommateur." Serait-on à nouveau dans le même cas de figure ?
Dominique LE HOUEZEC
PS: Vifs remerciements à Didier Lambert pour toutes ses données chiffrées.
(1) Association E3M " Des données falsifiées permettent de faire disparaitre le DTPolio sans aluminium. 16.01.2014
(2) European Centre for disease prevention and control. Vaccine schedule(3) HCSP. Avis relatif aux ruptures de stocks et aux tensions d’approvisionnement des vaccins combinés contenant la valence coqueluche. 25 février 2015
(4) Libération: Un couple de médecins bien soignés par Liliane Bettencourt. 7.09.2010
(5) Infovac. Bulletin Janvier N° 1/2015