On connaît le Nigéria pour son sous-sol foisonnant de richesses, de pétrole. Et pourtant, il n'y a pas que cela dans cet immense Etat fédéral, où la littérature négro-africaine est peut-être en train d'écrire l'une de ses plus belles pages. Pour s'en persuader, il faut lire " Americanah " de Chimamanda Ngozi Adichie.
Dans cette œuvre polyphonique, qui fait la part belle à des personnages aussi drôles qu'attachants, le lecteur est d'abord invité à vivre une odyssée humaine, amoureuse. Celle d'Ifemelu qui un jour décide de quitter son pays natal pour se confronter à la dure réalité de la condition d'immigré aux Etats-Unis. Mais elle n'est pas une immigrée comme les autres. Son immigration est singulière. Car elle estime que son destin ne peut être lumineux, meilleur, fécond, qu'en s'éduquant, qu'en se formant sur les bancs de la fac. Et Princeton, cette université étasunienne, verdoyante lorsque jaillissent les beaux jours, va être cet endroit de son accomplissement intellectuel.
Elle s'y plaira. Elle y glanera les techniques redoutables de la communication. Cette communication dont elle se sert, par ailleurs, pour observer, pour scruter l'Amérique d'Obama, en devenant blogueuse de la race. Une observatrice qui, au fil de ses investigations multiples, et en dépit du combat héroïque et prophétique de Martin Luther King pour les droits civiques, s'aperçoit que le pays de l'Oncle Sam reste encore hanté par les questions raciales. Que chaque mot est disséqué. On le voit avec la délicate et douce Kimberley : cette femme blanche qui l'emploie le temps d'un job d'étudiante.
Ifemelu ou Ifem pour ses intimes est une jeune fille coquette, pleine de vie, qui fait attention à elle, qui aime toquer à la porte des salons de coiffure, souvent dirigées par des expatriées guinéennes, ouest-africaines. Là, elle confie sa riche chevelure à ces mains expertes, à ces bouilles bavardes, où l'on disserte sur tout et rien, où l'on se fait beaucoup de confidences amoureuses, et où l'on mélange l'anglais avec quelques mots de français. Ifemelu est aussi une amoureuse, qui écrit et passe beaucoup de coups de fil à Obinze, son petit copain resté au pays. Cependant, cet amour, le leur, connaîtra quelques rebondissements. Puisque le cœur d'Ifem battra pour quelqu'un d'autre, pour Blaine " l'homme à la peau couleur pain d'épice ". Puis pour Curt, ce " Blanc sexy " ... Mais son édifice sentimental aura également la saveur familiale, notamment avec son cousin Dike, le petit garçon de la Tante Uju, avec qui la complicité est belle et évidente.
Les études sont terminées. Ifem retourne dans son pays, comme il l'a toujours promis. Elle retrouve Lagos, avec ses problèmes liés au sous-développement. Et dans ses rencontres tous azimuts, elle fait la connaissance des " Americanahs ". Ces jeunes, diplômés pour la plupart, qui ont fait le choix de revenir dans leur pays après avoir passé de longues années en Amérique. Elle travaille pour un magazine. Rencontre son Obinze, désormais marié.
Une union qui ne tardera pas à voler en éclats : tant leurs retrouvailles sont puissantes et chavirantes à la fois.
AmericanahGuillaume Camara , Chimamanda Ngozi Adichie, Gallimard, 523 p., 24,50 euros.