Les outre-mer possèdent des climats spécifiques s'appliquant à des territoires souvent insulaires en forte interaction avec les mers. Sujettes à une croissance démographique et une urbanisation littorale qui renforcent leur vulnérabilité. Elles possèdent un patrimoine culturel matériel remarquable dont il convient d'entreprendre la conservation face aux impacts du changement climatique.
Impacts du changement climatique sur le patrimoine matériel des Outre-mer
Exceptés Saint-Pierre-et-Miquelon et les terres australes et antarctiques françaises, Les départements et territoires d'outre-mer français se situent en basses latitudes - climat tropical - avec une fortes exposition aux aléas hydrométéorologiques (cyclones, tempêtes, sécheresses...) Dans l'océan pacifique, ces territoires sont particulièrement affectés par le phénomène d'oscillation australe (El Niño / La Niña) tandis que le secteur sud-ouest de l'océan indien est marqué saisonnièrement par l'activité cyclonique. Les projections du changement climatique démontrent de fortes disparités régionales entre les différentes régions ultramarines (application du modèle régional Aladin-Climat par Météo-France disponible sur le portail Internet "DRIAS Les futurs du climat ").
L'augmentation des températures moyennes annuelles à la fin du siècle pour les outre-mer sera comprise entre + 0,7 °C pour le scénario RCP2.6 du GIEC et + 3,5 °C pour le scénario RCP8.5. Cette évolution climatique entraînera un réchauffement et contribuera à l'acidification des océans. Si les précipitations baisseront à La Réunion et en Nouvelle-Calédonie (surtout en saison sèche), elles auront tendance à augmenter dans le Pacifique (avec la variabilité annuelle due à l'oscillation australe). Il y aura vraisemblablement une augmentation de l'intensité des cyclones tandis que leur occurrence aura tendance à stagner et peut-être même à diminuer. L'élévation du niveau des mers est déjà à l'œuvre sur ces territoires (de 3 à 9 mm par an) et devrait s'accentuer (+ 40 à + 100 cm en 2100 selon les scénarios) avec une forte probabilité de submersion ou de franchissement côtiers sur des terres altimétriquement basses (Guyane et Guadeloupe en particulier).
Les effets du changement climatique vont particulièrement affecter la biodiversité - souvent endémique - de ces régions déjà touchées par des dégradations environnementales dues à la pression anthropique, à la destruction des habitats, aux espèces invasives et à la surexploitation. Or l'outre-mer abrite 80% de la biodiversité française sur 22% du territoire national et les outre-mer font partie des 34 " points chauds " où la biodiversité mondiale est menacée. Les récifs coralliens, déjà très dégradés, sont considérés comme très exposés aux effets du changement climatique avec la prévision funeste d'une disparition massive du corail vivant. Les mangroves sont aussi menacées par le réchauffement et l'acidification des eaux marines. Les territoires ultramarins étant très variés, il n'est pas possible de pousser plus loin la généralisation des impacts du changement climatique. Néanmoins, il convient d'insister sur l'atteinte prévisible de la biodiversité avec pour effet direct la modification des paysages dans des contextes où le patrimoine naturel ne peut être distingué du patrimoine culturel : il s'agit là de paysages culturels indissociables de l'histoire des sociétés qui les habitent.
Les effets du changement climatique vont affecter tous les domaines des sociétés ultramarines avec au premier rang une évolution prévisible des pêches hauturières et côtières, de la perliculture, du tourisme (une grande partie des établissements touristiques sont situés en bordure littorale et pourrait être détruite par des événements extrêmes ou des phénomènes graduels). La santé pourrait aussi être affectée avec l'extension potentielle des maladies tropicales (chikungunya, fièvre jaune, dengue et paludisme), et le développement de maladies tropicales alimentaires ou liées à l'eau.
Les effets du changement climatique vont affecter les écosystèmes dont l'homme fait intimement partie et le rapport que les sociétés ultramarines entretiennent avec la nature terrestre et aquatique. Il est donc très difficile dans le cas des outre-mer de séparer les sociétés du patrimoine naturel. Si l'environnement et la prise en compte du paysage n'apparaissent pas de prime abord dans les représentations culturelles actuelles - la priorité étant donnée au développement -, le rapport culturel au patrimoine naturel terrestre et marin y est plus sensible qu'ailleurs.
Hôpital André-Bouron, saint-Laurent-du-Maroni (crédit photographique " SaintLaurent-1552 " par Psu973 - Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons)
Actions d'adaptation sur le patrimoine matériel des outre-mer
➢ Surveillance de l'érosion et de l'accrétion marines (déplacement du trait de côte), projection de submersion des terres littorales et identification des biens culturels menacés.
➢ Sites remarquables : la modification prévisible des paysages culturels
- Maintenir les écosystèmes en bonne santé pour lutter contre les événements extrêmes (résilience des écosystèmes par une auto-adaptation d'espèces fonctionnellement variées) ;
- mettre en réserve les espaces naturels les plus sensibles et développer une écologie de la restauration augmentant la durabilité des systèmes socio-écologiques ;
- développer la connaissance des liens socio-culturels qui relient l'homme à la nature.
Exemple d'application : Les lagons de Nouvelle-Calédonie inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO pour sa diversité récifale et les écosystèmes qui y sont associés. L'élévation de la température de la mer et de son niveau ainsi que son acidification pourraient détruire la couverture corallienne vivante.
➢ Aires et périmètres protégés (ensembles urbains) :
- dégradations importantes dues aux événements extrêmes et nécessité de développer des stratégies constructives de résilience ;
- nécessité de repli stratégique des zones urbaines exposées aux phénomènes graduels inéluctables telle la montée du niveau des mers ;
- lutte contre la chaleur urbaine et plus particulièrement contre les îlots de chaleur urbains (ICU) ;
- favoriser la recharge des eaux souterraines et la constitution de réserves en eau dans les sols en limitant l'imperméabilisation et en assurant le suivi de la désimperméabilisation ;
- réglementation de la climatisation par systèmes en applique sur façade.
Exemple : Intégration dans les études d'AVAP en cours comme à Fort-de-France et Trois-Îlets en Guadeloupe.
➢ Monuments historiques et patrimoine bâti remarquable :
- dégradations importantes dues aux événements extrêmes (atteintes aux couvertures, charpentes, ossatures bois, menuiseries, balcons en galerie et revêtements de façade) ;
- dégradation accélérée des métaux et des bétons nécessitant de développer leur conservation et leur restauration ;
- dégradation des matériaux d'origine végétale tels les bois, les palmes et les fibres végétales entrant dans la construction traditionnelle ;
- anticipation des risques indirectement liés à l'eau de ruissellement en s'assurant de la qualité et stabilité des sols ainsi que de la qualité des fondations.
Terrain d'application : 80 MH en Guadeloupe, 79 MH en guyane, 89 MH en Martinique, 152 MH à La Réunion et 10 MH à Saint-Pierre-et-Miquelon
➢ Bâtiments culturels
- privilégier la ventilation traversante naturelle ou contrôlée ;
- travailler sur des expositions contrôlées avec des dispositifs d'ombrage architecturaux en façade ;
- choix de matériaux de toiture et de revêtement de façade à fort albédo ;
- réduction globale de la consommation en eau pour préserver la ressource.
➢ Conservation des objets muséaux et des archives
- prendre en compte dès à présent l'augmentation des températures et de la pluviométrie dans les dispositifs de conservation
- vérifier l'exposition des musées et des archives aux impacts du changement climatique et envisager leur déplacement en cas de vulnérabilité trop importante.