Deux avions d’aide médicale transportant 32 tonnes de matériel ont
atterri vendredi au Yémen, où la coalition arabo-sunnite a mené de
violents raids aériens contre les rebelles chiites dans le sud.
C’est la première fois qu’une aide aussi substantielle arrive par
voie aérienne à Sanaa depuis le déclenchement de l’opération « Tempête
décisive » par la coalition de neuf pays arabes conduits par l’Arabie
saoudite.
L’opération vise à soutenir le président Abd Rabbo Mansour Hadi qui a
été forcé à l’exil par la milice chiite des Houthis et leurs alliés,
les militaires fidèles à l’ancien chef de l’État Ali Abdallah Saleh.
Les rebelles contrôlent la capitale Sanaa, des régions du centre et
de l’ouest du pays ainsi que des parties d’Aden, la grande ville du Sud.
Les États-Unis ont dénoncé jeudi le soutien apporté aux rebelles par
l’Iran chiite qui, de son côté, a enjoint l’Arabie saoudite de cesser
ses « actes criminels » au Yémen.
Les raids aériens, les combats sur le terrain et surtout les
interdictions d’atterrissage des parties en conflit avaient jusqu’ici
empêché l’atterrissage des avions d’aide.
« L’arrivée de ces secours est une question de vie ou de mort pour les personnes blessées dans ce conflit », a expliqué, dans un communiqué, Cédric Schweizer, qui dirige l’équipe du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Le premier avion à arriver, affrété par le CICR, était « chargé de 16 tonnes d’aide médicale », a déclaré à l’AFP la porte-parole de l’organisation au Yémen, Marie-Claire Feghali.
Samedi, « un deuxième avion devrait acheminer
32 tonnes d’aide médicale, des générateurs et des équipements pour
purifier l’eau destinés aux hôpitaux de Sanaa », a-t-elle ajouté.
Un avion de l’UNICEF a également atterri à Sanaa vendredi avec à bord
16 tonnes de médicaments, a indiqué à l’AFP Mohammed al-Assadi,
porte-parole du Fonds de l’ONU pour l’enfance (UNICEF).
Il s’agit également d’une première cargaison d’aide de l’UNICEF, a-t-il dit, précisant qu’elle était composée de « médicaments, d’antibiotiques et de kits de premiers secours ».
Le CICR avait réussi mercredi à faire accoster à Aden un bateau
d’aide médicale, à bord duquel se trouvait une équipe médicale de
Médecins sans frontières (MSF).
Le même jour, MSF avait également acheminé à Aden une cargaison de
2,5 tonnes de matériel médical, la première depuis le début le 26 mars
des raids aériens.
Le CICR avait lancé samedi un appel à une trêve humanitaire de
24 heures afin d’apporter un soutien médical alors que les réserves de
médicaments et d’équipements s’épuisent dans les hôpitaux. La population
souffre en outre de pénuries de carburant et d’eau tandis que les
stocks de nourriture se raréfient.
Les civils subissent de plein fouet les conséquences de ce conflit,
dans lequel les rebelles et leurs adversaires ne communiquent pas sur
leurs pertes.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué mercredi que 643
personnes étaient mortes au Yémen depuis le 19 mars et 2226 autres ont
été blessées.
Selon l’OMS, 15,9 millions de personnes sont touchées par les
violences en cours, et quelque 330 000 personnes ont été déplacées à
l’intérieur du pays.
Pour une «pause humanitaire»
L’ONU a demandé vendredi une «pause humanitaire immédiate» d’au moins «quelques heures» par jour au Yémen pour permettre d’acheminer davantage d’aide dans le pays, alors que la situation ne cesse de se détériorer.
«La situation se détériore d’heure en heure», a déclaré le
coordinateur des Affaires humanitaires de l’ONU dans ce pays, Johannes
Van Der Klaauw, lors d’un point presse à Genève.
Il a appelé à «une pause humanitaire immédiate du conflit» au Yémen. «Nous avons besoin de quelques heures au moins chaque jour», a-t-il expliqué aux journalistes.
Cette «fenêtre d’opportunité» souhaitée par l’ONU permettrait
aux travailleurs humanitaires d’acheminer plus facilement l’aide dans le
pays où la population manque de tout: de vivres, de médicaments, d’eau
potable, de carburant, d’ambulances...
À Aden, en proie à des «milices incontrôlables», «la situation est particulièrement préoccupante, voir même catastrophique», a averti M. Van Der Klaauw.
Selon l’OMS, près de 650 personnes ont été tuées et plus de 2000
blessées depuis la récente escalade du conflit au Yémen. Mais les
chiffres réels sont certainement plus élevés car nombre des corps ne
sont pas envoyés dans les hôpitaux mais directement enterrés, selon
l’ONU.
De violents raids à Aden
Dans le sud du Yémen, où se concentrent les combats entre partisans
et adversaires de M. Hadi, les positions rebelles ont subi dans la nuit
des raids très violents.
À Aden, les raids ont commencé jeudi vers 22 h 00 (19 h 00 GMT) et
ont été les plus violents depuis le 26 mars, a indiqué à l’AFP un
habitant de la banlieue nord de la grande ville du sud.
Ils ont duré une bonne partie de la nuit, selon d’autres habitants,
visant notamment le siège de la municipalité de Dar Saad à l’entrée nord
d’Aden.
D’autres positions ont été également visées, selon les mêmes sources,
notamment les alentours du stade dans le centre-ville et des points de
contrôle tenus par les rebelles.
À Ataq, capitale de la province de Chabwa, à l’est d’Aden, prise
jeudi par les militaires fidèles à M. Saleh, les raids ont été également
d’une « extrême violence », selon un responsable local.
Une base de missiles, proche de la ville, a été visée, ainsi qu’un
dépôt d’armes de la base de Morra, à l’ouest d’Ateq, a précisé un autre
responsable provincial.
Le Parlement du Pakistan a en outre rejeté la demande d’aide de
l’Arabie saoudite, son allié, pour son intervention au Yémen et appelé
le gouvernement à rester neutre.
Source : LeDevoir