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Il faut maintenant construire le monde

Publié le 10 avril 2015 par Pantalaskas @chapeau_noir

visuel_fracC'est un singulier télescopage que provoque actuellement au FRAC Poitou-Charente l'exposition Il faut maintenant construire le monde.  Prenant comme point de départ un tableau de Michel Seuphor présent dans la collection permanente du FRAC, cette confrontation entre le temps euphorique du néoplasticisme et la création artistique contemporaine offre une mise en perspective inédite entre des époques aux objectifs si différents.
Michel Seuphor (1901-1999) a traversé son siècle en témoin privilégié. Grand ami de Mondrian dans les années vingt, écrivain, historien de l'art, artiste plasticien lui-même avec le développement de ses "dessins à lacunes", a consacré sa vie à la défense de l'art construit.

Commenter les avant-gardes historiques

Aujourd'hui l'objectif du FRAC est de présenter des propositions d'artistes contemporains qui "commentent  quelques décennies plus tard, les avant-gardes historiques abstraites et idéalistes." Ce regard critique peut prendre parfois l'aspect d' un constat d'échec. Cyprien Gaillard commente ainsi la faillite des utopies. Romain Pellas se livre à une tentative presque désespérée de reconstruction d'un monde non maîtrisable.
On devine que l'exposition a été constituée à partir de la collection du FRAC Poitou-Charente et que l’œuvre de Seuphor, presque perdue dans cet ensemble, sert de prétexte à cette lecture contemporaine.

Etagère Romain Pellas 1999-2003

Etagère Romain Pellas
1999-2003

Il reste que l'idée de cette confrontation entre deux lectures  offre, me semble-t-il, un éclairage cru sur notre rapport au monde.
La création des années Vingt, après le séisme de la grande guerre, s'engageait avec passion pour une société en effet à reconstruire. Théo Van Doesburg, avec sa revue De Stijl depuis 1918, brandit l’étendard du néoplasticisme pour lequel son compagnon de route Piet Mondrian prône l’usage exclusif dans la peinture de lignes droites agencées horizontalement ou verticalement et mises en rapport entre elles selon des principes de parallélisme ou d’orthogonalité. Ensemble ils veulent atteindre un art universel attaché à l’emploi d’une palette limitée aux trois couleurs primaires. C'est le temps de l'Esprit nouveau qui souffle en direction de toutes les disciplines artistiques. A travers l'Europe, de petites revues militantes (Het Overzicht, Der Sturm ) diffusent cette volonté de table rase. On mesure combien cette ambition collective contraste avec aujourd'hui  l'éparpillement d'un art sans projet collectif, livré aux seuls ballotements d'un marché mondialisé. Au bout du compte, c'est peut-être l'art des années Vingt qui commente l'art contemporain. Ayant bien connu personnellement Michel Seuphor, je peux témoigner de la foi inébranlable de ce grand acteur de l'art du vingtième siècle envers les engagements d'un art construit dont la radicalité irradiait tous les arts de son temps, parfois même au prix d'oppositions agitées, notamment avec les surréalistes. Celui qui fut le créateur de Cercle et Carré associait ces règles de l'art à des règles de vie structurantes. Une telle attitude pouvait parfois atteindre un paroxysme comme on a pu l'observer chez Aurélie Nemours notamment.

Le messager Michel Seuphor 1978 collection FRAC Poitou Charente

Le messager Michel Seuphor 1974 collection FRAC Poitou Charente

Quel projet collectif ?

L'exposition Il faut maintenant construire le monde témoigne d'un constat à partir duquel tout serait à reconstruire. La tâche semble immense dans un univers artistique disparate où il est difficile de discerner une préoccupation commune avant même d'envisager un projet collectif.
Peut-être faudra-t-il disposer d'un recul suffisant pour donner de cette production contemporaine une lecture significative ?  Peut-être aussi pourrait on attendre des artistes, eux-mêmes, cette prise en main des objectifs de l'art comme l'ont fait, en leur temps, les tenants du néoplasticisme dont les œuvres, notamment dans le domaine de l’architecture, n'ont rien perdu de leur potentiel novateur ?

Photos: FRAC Poitou Charente

Exposition : Il faut maintenant construire le monde

Élisabeth Ballet | Katinka Bock | Chto Delat
Paolo Codeluppi | Cyprien Gaillard | Piero Gilardi
Liam Gillick | IKHÉA©SERVICES | Élodie Lesourd
Romain Pellas | Émilie Perotto | Bruno Petremann
The Atlas Group/Walid Raad | David Renaud
Bojan Sarcevic | Michel Seuphor | Kristina Solomoukha Benjamin Swaim | Marianne Vitale
Du 3 avril au 13 juin 2015
FRAC Poitou Charente
63 Bd Besson Bey
16000 Angoulème


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