Massive Attack so far : 1991-2010

Publié le 10 avril 2015 par Heepro Music @heepro

En 2015, Massive Attack n’est plus que le nom d’un groupe mythique des années 90. Pour cause, en trois albums, sortis respectivement en 1991, 1994 et 1998, le trio de Bristol, Angleterre, allait tout faire exploser sur son passage. Au point d’être, parfois, placer devant Nirvana en terme d’impact sur la musique, et ce, dès lors que l’on parle de cette décennie flamboyante.

Néanmoins, il serait réducteur d’oublier l’impact du groupe sur la musique du XXIe siècle. Certes, ce n’est pas avec un album en 2003 seulement que Massive Attack aura pu ressortir de son volcan, éteint-actif à la fois. Ni avec leur dernier studio, qui remonte déjà à cinq ans !

Alors, comment Massive Attack est-il devenu l’un des plus grands groupes de ce dernier quart de siècle, c’est-à-dire que l’on ne pourrait jamais oublier dans un classement des 100 ou 50 groupes et artistes les plus influents de tous les temps ? Retour en 5 disques-clés.

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L’année 1991 est celle de tellement d’albums importants d’abord, phare ensuite, qu’il deviendrait presque anecdotique de dire que Blue Lines en est. Pourtant, il figure sur le panthéon, ni plus ni moins que sur la même case qu’un certain Nevermind. En neuf titres seulement, tous les jalons allaient être posés dès ce premier album. Aux côtés des trois mousquetaires Grant Marshall, Andrew Vowles et Robert Del Naja – tous trois également connus sous les pseudos respectifs de Daddy G, Mushroom et 3D -, se font très vite remarquer les chanteuses Shara Nelson et Neneh Cherry – et bien que cette dernière soit la plus célèbre, à l’époque comme aujourd’hui, c‘est bien la première qui se révèle ici -, le chanteur mythique Horace Andy ainsi qu’un certain petit énergumène au nom d’Adrian Thaws et surnommé alors Tricky Kid – qui deviendra le culte Tricky que l’on connaît aujourd’hui. L’hymne de l’album, de l’année 91, des années 90s ? « Unfinished sympathy », et le trip-hop était né !

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Comment poursuivre derrière un tel disque et un succès si imposant ? La réponse de Protection : en oubliant tout, en virant Shara Nelson, mais surtout en s’éloignant de l’étiquette collée par on-ne-sait-qui car Massive Attack ne fait ni du trip-hop ni quoi que ce soit d’autre. Non. Massive Attack fait sa musique. En somme, du Massive Attack, mais ça, on le saura quelques années plus tard. Pour l’heure, hop, encore un disque ébouriffant. Celui qui aurait fait découvrir la musique dite lounge. Ah ? Bref. Si je devais résumer ce deuxième album, un peu comme je l’ai fait pour Blue Lines, je dirais simplement que le morceau d’ouverture, éponyme, « Protection », en est le joyau. Même, l’un des meilleurs morceaux du groupe. Merci au trio et à la voix d’une certaine Tracey Thorn, chanteuse ô combien charismatique du duo Everything But The Girl dont « Missing » sera l’un des cartons de cette même année 94. Malgré tout, c’est ici qu’elle m’aura le plus ébloui à tout jamais. Autour d’eux, Tricky – avant qu’il n’aille volé, enfin, de ses propres ailes et vivre un succès tout aussi incroyable grâce à son chef-d’œuvre Maxinquaye -, Horace Andy, Nicolette, Craig Armstrong et Nellee Hooper. Encore neuf titres. Énorme.

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Avec Blue Lines, c’est sans doute celui-ci que tout le monde cite le plus souvent. C’est encore un revirement total du « trip-hop » de Massive Attack. Quand on vous dit que les étiquettes ne veulent rien dire, ici, nous en avons l’illustration la plus paroxysmique. Mezzanine est d’une lourdeur inattendue, d’une noirceur implacable, pourvues de guitares effrayantes. Tout pour faire fuir l’auditeur. L’ambiance posée du précédent est soufflée, celle du premier, plus enivrante, rejetée. Mezzanine est comme une piqûre qui vous surprend, sans vous empoisonnée. Le sang s’échauffe, on sursaute, mais il est déjà trop tard : les effets sont tout de même là pour un moment. Après, il demeure désormais un seul problème à l’album : il s’agit de la récupération commerciale du morceau emblématique « Teardrop », interprétée par la voix des Cocteau Twins, Elizabeth Fraser. Dès lors, il n’est pas surprenant de trouver quelques hurluberlus pour citer, par exemple, « Inertia creeps » comme étant possiblement le meilleur moment de tout l’album.

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Les années 90 terminées, refermées sur elles-mêmes, Massive Attack ne parviendra plus à retrouver de sa superbe. D’ailleurs, il faut avouer que le groupe ne sera plus considéré que l’ombre de lui-même, en tout cas, en studio. Pour ma part, je suis non seulement en désaccord avec cet avis bien trop tranché et répandu. Au point même de devoir reconnaître que, sans 100th Window, je ne serais même pas en train d’écrire ces quelques lignes. Pour moi, c’est un album parfait. Extatique. Froid. Ample. Mon préféré depuis toujours. Certes, Mushroom n’était déjà plus là, chassé ou lassé par les deux autres. Quant à Daddy G, il portait justement là très bien son surnom, parti s’occuper de sa nouvelle famille. Pendant ce temps, 3D a continué à faire tourner la roue, en compagnie de Neil Davidge – déjà producteur sur Mezzanine, il travaille aussi à la composition. Horace Andy, lui, reste fidèle, et c’est au tour d’une autre grande voix de venir chanter avec Massive Attack : l’Irlandaise Sinead O’Connor. Pour les oreilles curieuses et attentives, on peut aussi entendre Damon Albarn sur « Small time shot away ». Le meilleur album de Massive Attack est donc l’œuvre du trio devenu duo mais dépourvu de l’un de ses deux membres principaux. Les critiques étaient trop faciles. Le seul que je peux écouter de A à Z sans moment de lassitude, bien au contraire.

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Une nouvelle décennie s’ouvre quand le cinquième et dernier album à ce jour est sorti. Heligoland aura au moins eu le mérite de réunir Daddy G et 3D. Le résultat est mi-figue, mi-raisin. À sa sortie, on ne peut qu’être déçu. Avec du recul, c’est un très bon album qui ne souffre d’aucun défaut, si ce n’est celui d’être frustrant. En effet, alors que chacun des quatre premiers albums possédaient une identité propre qui contrastait systématiquement avec le précédent, on a ici à faire à une sorte de mélange de ces différents styles, un album qui fait la somme de toutes les sonorités passées. On retrouve ainsi autant les influences premières de Blue Lines que les plus introspectives et personnelles de 100th Window. Chanté par Hope Sandoval de Mazzy Star, « Paradise circus » est même une sorte de « Teardrop », peut-être pour ravir les fans de ce tube. Martina Topley-Bird, ex-femme et ancienne protégée de Tricky, participe au projet, tout comme Damon Albarn sur un « Saturday come slow » à l’ambiance proche de Gorillaz ainsi que sur « Flat of the blade », en compagnie de Guy Garvey d’Elbow, titre le plus ambitieux de Heligoland, et puis Tunde Adebimpe de TV On The Radio.

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Alors que les annonces pour Heligoland parlaient de possibilité de pouvoir publier un double album, nous n’eurent le droit qu’à un simple album de dix titres et, depuis, rien. Si quelques titres, une poignée, rarement en version originale, souvent remixés. Des promesses ne sont même pas faites, on ne peut donc pas s’en plaindre. Y aura-t-il un album 6 cette année ? En 2016 ? Ou en 2017 ? Quand ? À mon avis, ils sont tout simplement en train de préparer un autre album tranquillement, assurément pour continuer sur la voie ouverte par Heligoland, tout en enfonçant la porte de leur propre style pour montrer à leurs détracteurs qui, depuis le départ de Andrew Vowles, n’attendent qu’une chose : un nouvel chef-d’œuvre. À force d’avoir tant d’attentes, jamais ils ne seront satisfaits. S’ils réussissent seulement à égaler Heligoland, le sixième sera forcément une tuerie.

(in heepro.wordpress.com, le 10/04/2015)