Titre original : Cake
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Daniel Barnz
Distribution : Jennifer Aniston, Adriana Barraza, Anna Kendrick, Sam Worthington, Felicity Huffman, Mamie Gummer, William H. Macy, Chris Messina, Britt Robertson…
Genre : Drame
Date de sortie : 8 avril 2015
Le Pitch :
Atteinte de douleurs chroniques très intenses, Claire traduit son mal-être par un caractère difficile qui lui a valu de s’isoler. Son mari a quitté le domicile conjugal et ses amis ne la fréquentent plus. Seule Silvana, sa femme de ménage, parvient encore à la supporter et lui apporte un véritable soutien, malgré les réprimandes, l’agressivité, et les crises de nerf.
Le suicide d’un membre de son groupe de soutien déclenche néanmoins chez Claire, une sorte de déclic. Poussée sans trop savoir pourquoi par une curiosité étrange, elle se rapproche du mari de la jeune femme disparue, qui tente quant à lui de maintenir à flot une existence devenue chaotique. Chacun va trouver dans la détresse de l’autre, une raison de continuer et peut-être d’arriver à raviver une petite lueur d’espoir…
La Critique :
Tenue à l’écart des Oscars, alors qu’elle cumulait des nominations aux Golden Globes et aux Screen Actors Guild Awards, pour sa performance, Jennifer Aniston n’a pas réussi à faire autant de vagues que prévu, en prenant ce puissant virage dramatique que constitue Cake. Connue pour privilégier les comédies romantiques depuis son triomphe dans Friends, la comédienne tente ces dernières années de casser son image un peu trop lisse de parfaite fiancée de l’Amérique. Les Miller : Une Famille en Herbe ou les deux Comment tuer son Boss par exemple, écornaient le caractère sage de l’actrice, en mettant en avant un côté sexy exacerbé. Cake pour sa part, donne à fond dans le drame et présente une Jennifer Aniston souffreteuse, sans maquillage, ni brushing, avec cicatrices à l’appui et teint blafard. Dans le milieu, on appelle ça un virage à 180 degrés !
Un virage qui n’a pas poussé les spectateurs à faire le déplacement en salle lors de la sortie américaine du film, vu le piètre score qu’il a malheureusement réalisé. Dommage quand on voit à quel point Jennifer Aniston a mis les petits plats dans les grands pour rendre crédible un personnage douloureux et ambigu.
Dans Cake, elle se taille une belle part du gâteau (uh uh). À des années lumière du glamour qui a si souvent caractérisé son image publique, elle ne fait pas dans la demi-mesure et construit une performance aussi rare que viscérale. Pourtant, bizarrement, Rachel est toujours là. Si on regarde bien les rôles qui jalonnent la carrière de Jennifer Aniston après Friends, on retrouve très souvent un petit quelque chose de Rachel. C’est certes le cas pour beaucoup d’acteurs marqués par un rôle emblématique, mais chez elle, la tendance est peut-être plus flagrante. Claire, la femme détruite de Cake, pourrait ainsi être Rachel Greene, si celle-ci avait subi un profond traumatisme.
La faute à une série de gimmicks, ici détournés pour venir nourrir la détresse du personnage, mais bel et bien présents, pour la plupart chez Rachel. En soi, ce n’est pas très dérangeant, mais quand même, cela mérite d’être souligné. Cake offre à Jennifer Aniston une belle occasion de s’ouvrir le bide pour prouver ce qu’elle vaut, et elle y parvient à merveille. Cependant, et très paradoxalement, le rôle pose aussi les limites d’une actrice encore assez mal à l’aise avec le lâcher-prise total qui peut caractériser des comédiennes plus aguerries, plus polymorphes et moins prévisibles, comme par exemple Julianne Moore et Charlize Theron.
Alors oui, dans Cake, Jennifer Aniston est étonnante et troublante, mais sa démarche sonne un peu trop comme un appel du pied à l’Académie des Oscars, qui pour le coup, est restée sourde. Reste plus qu’espérer que cela ne décourage pas l’actrice…
Adaptation d’un script resté un moment sur la célèbre blacklist (celle des scénarios les plus convoités), Cake est un authentique drame. Porté par une réalisation très sobre, en parfaite adéquation avec le propos, le long-métrage s’apparente à une longue et lente lutte en immersion, aux côtés d’un personnage de prime abord plutôt antipathique, mais très intéressant car plein de contradictions, qui contribuent au final à le rendre attachant. La force du long-métrage étant de réussir à rendre tangible une souffrance omniprésente et de conserver un temps les raisons qui ont conduit le personnage de Jennifer Aniston à se couper du monde et à adopter le comportement qui lui vaut de s’isoler d’autant plus.
Là où Cake trébuche par contre, c’est lorsqu’il multiplie les interventions de pièces rapportées, de façon on ne peut plus maladroite, à l’image de William H. Macy, qui arrive comme un cheveu sur la soupe, ou de la fugueuse incarnée par Britt Robertson, dont l’implication n’a rien de vraiment dispensable.
Assez maladroit, mais très sincère, Cake reste méritant, car jamais il ne sombre dans l’excès. Aux côtés de Jennifer Aniston gravitent plusieurs acteurs qui contribuent à offrir au film un surplus de prestige et de profondeur, à l’image de l’impeccable Anna Kendrick ou de Sam Worthington. Daniel Branz, le réalisateur, orchestre non sans de légers accros ce combat pour la vie, au sein duquel s’entremêlent des thématiques fortes comme la rédemption, le deuil et beaucoup d’interrogations au sujet du sens de la vie et de la mort. Porté par une émotion à fleur de peau très communicative, Cake demeure quoi qu’il en soit recommandable, en cela qu’il n’opte pas pour la facilité et prend à bras le corps son sujet, sans détours, avec une sincérité souvent désarmante.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Warner Bros. France