Ils ont gagné, finalement

Publié le 10 avril 2015 par Lana

Il y a des gens, avec des blouses blanches, qui ont du pouvoir sur ta vie. Sur ta liberté, sur ton corps, sur ton esprit. Et le leur, d’esprit, il arrive qu’il soit assez fermé. Il arrive qu’ils pensent qu’ils savent tout mieux que toi. Je ne parle pas des traitements, je ne parle pas des formules chimiques ou de la façon d’ouvrir des ventres, ça bien sûr qu’ils le savent mieux que toi, ils ont fait des années d’études pour le savoir. Mais parfois, ils oublient, ou ils ne l’ont jamais su, que ces années d’études ne leur ont pas donné le droit de penser à ta place. Ca ne leur donne pas le droit de te juger, ni de te dire ce qui est bon pour toi, ni ce que tu devrais être. Ca ne leur donne pas le putain de droit de te refuser d’être ce que tu veux être. De ne t’accorder les traitements que tu souhaites que si tu rentres dans leurs cases à eux, dans leur normalité bourgeoise, ni de te regarder comme un objet d’étude plutôt que comme un être humain.

Face à ces gens-là, il n’y a pas trente-six solutions: faire semblant, sourire, dire merde mais seulement dans ta tête, pour obtenir ce que tu veux ou pour fuir. Tu ne peux pas les affronter, parce que ta parole ne sera qu’un symptôme de plus, une preuve que tu n’es pas assez comme ceci ou comme cela pour mériter ce que tu demandes. Tu ne peux pas discuter parce que ce que tu es ne vaut rien à leurs yeux. Ils ne t’écouteront que le jour où tu feras ce qu’ils demandent, et comme tu ne le veux pas, t’as pas le choix: tu souris, tu prends l’air concerné, tu hoches la tête, tu dis oui à tout, et tu les envoies se faire foutre en pensée.

Ma liberté à l’hôpital, je l’ai eu à ce prix. J’ai longtemps cru que c’était le privilège de la psychiatrie. Mais je découvre  que non. Certain-e-s trans n’ont leur traitement qu’à ce prix. Et il y a tous les autres, auxquels je ne pense pas, mais le pouvoir médical abusif, il n’est pas qu’en psychiatrie, loin de là.

Oui, je les ai envoyé se faire foutre derrière mon sourire, j’ai menti alors que je ne mens jamais, et j’ai signé ma feuille de sortie. Mais ça fait mal quand même. Ne pas être considérée. Etre juste une malade et rien d’autre. N’être rien de respectable à leurs yeux. Oui, je suis sortie et je les ai envoyés se faire foutre derrière mon sourire de jeune fille sage, mais j’ai bien compris ce qu’ils m’ont dit derrière le leur: tu n’es pas des nôtres, tu n’es pas de ce monde, tu ne le seras que lorsque tu deviendras celle que tu veux qu’on soit. J’espère que tous ceux qui sont amenés à faire semblant pour sauver leur peau, parce qu’il n’y a pas d’autres choix quand on est face à un mur, n’auront pas aussi mal. J’espère qu’ils se souviendront juste de leur « va te faire foutre » et pas du goût amer qu’il avait.


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