Parce que les romans américains sont des romans internationaux, quand les romans français restent nationaux, Tanguy Viel décide d'écrire un roman "américain", à la Philip Roth, Jim Harrison, Don Delillo. Il choisit alors avec application les ingrédients gagnants et nous concocte un roman voué à l'international. Il choisit ainsi une ville avec des gratte-ciels, des avenues qui n'en finissent pas, une ville "complexe et internationale", comme Détroit.
"Par exemple, à Détroit, d'après ce que j'ai lu sur Internet, un habitant peut percevoir dans son champ visuel jusqu'à trois mille deux cents vitres en même temps. Je n'ai jamais bien compris ce que ça voulait dire, trois mille deux cents vitres en même temps, mais, me suis-je dt, si j'écris une chose comme ça dans mon roman, alors, on pourra comprendre que mes personnages habitent une grande ville complexe et internationale, une ville pleine de promesses et de surfaces vitrées." p.12
Il opte ensuite pour un personnage cinquantenaire, professeur d'université, divorcé, avec une vie sentimentale compliquée. L'intrigue doit comporter un adultère, et si possible impliquer les personnages dans les problèmes de leur temps, en mentionnant des évènements récents qui ont eu lieu en vrai comme par exemple la destruction des tours, la crise financière ou l'intervention en Irak. Les détails abondent, et la psychologie elle aussi est relativement complexe :
"Ce sont surtout des choses comme ça, ai-je souvent pensé, que le romancier américain aurait écrites, je v eux dire, pas seulement l'odeur des pins dan s la nuit éclairée, pas seulement le bruissement des érables dan s le vent du soir, mi s de quoi déchiffrer sur les plissements des fronts, dan s l'inquiétude des lèvres, ce qui se passait dans la tête de chacun, les pensées passagères et les désirs souterrains, là, dan s le jardin des Koster, la façon de se pencher de Becky quand elle aidait Susan à mettre les choses sur la table - on aurait dit qu'elle avait calculé au détail près à partir de quel bouton mal fermé on pourrait devin er le départ de ses seins, la façon d ont Alex souriait un peu gêné, à Becky Amberson, et celle dont Susan la regardait se pencher pour qu'on puisse lire sur son visage à elle, Susan, dans le mouvement de l'oeil qui l'amenait aussi vite sur le regard fuyant d'Alex, qu'on puisse y lire, non pas qui était Becky, non pas qui était Alex mais peut-être qui était Susan, et toutes ces choses qui méritaient de s pages et des pages pour qu'on comprenne ce qui allait se passer, ou qu'on croyait qui allait se passer, vu que certaines choses ne se passeraient pas et certaines autres, oui." p. 51
Les jalons posés, l'histoire avance sereinement...
Tanguy Viel nous entraîne dans les coulisses de la fabrication d'un roman. Avec humour et décalage, il nous livre les recettes qui font le succés des romans américains. Mais peu à peu narrateur et auteur s'effacent pour faire émerger l'univers mental ainsi créé. Après une première partie placée sous le signe de l'ironie, la deuxième partie du roman donne pleinement vie aux personnages et à leur histoire. Dwayne Koster prend vie, tapi dans sa Dodge blanche. Pourquoi guette-t-il ainsi son ex-femme Susan ? Comment en est-il arrivé là ? Quel rôle a joué Alex Dennis, le trop populaire professeur d'université dans la vie de Dwayne ? Quelle place tiendra l'Irak dans son histoire ?
Et Jim Sullivan dans l'histoire ? Jim Sullivan, chanteur de la beat génération a disparu en 1975 dans le désert du Nouveau Mexique, probablement enlevé par les extra-terrestres... Mais ceci est une autre histoire...