L'Humanité, dans la diversité de ses composantes, est un tout indivisible.
Fondement de tous les autres devoirs, le devoir primordial des communautés et de leurs membres est de servir cette unité et son développement créateur.
Il exclut toutes les tyrannies et garantit tous les droits.
Il exclut toute prétention à l'exclusivité et à la domination d'une croyance, d'une nation, d'un groupe comme d'un individu.
Il garantit :
- la liberté d'expression à tout humanisme (c'est-à-dire à toute doctrine servant les intérêts de l'humanité comme un tout) ;
- la liberté d'expression, de foi ou de pratique à toute religion (c'est-à-dire à toute croyance attribuant une origine divine à cette unité);
- toute aspiration nationale apportant la contribution de sa culture spécifique à la symphonie de cette unité mondiale;
- l'épanouissement, en tout individu (quel que soit son sexe, son origine, sa vocation) de toutes les possibilités créatrices qu'il porte en lui.
Le monde, aujourd'hui, est un. Son unité de fait est lourde de menaces. Son unité à créer est porteuse d'espérance.
I - L'unité de fait est lourde de menaces.
Les plus merveilleuses avancées de la science et de la technique, servent plus souvent à la destruction de l'humain qu'à son épanouissement s'ils ne sont orientés par aucune fin universelle, par aucune réflexion sur le sens de la vie. La science et la technique nous donnent en effet des pouvoirs et des moyens illimités, mais ne peuvent nous désigner nos fins dernières.
Un monde fondé sur une conception quantitative du bonheur qui n'a d'autre but que de produire et de consommer de plus en plus et de plus en plus vite n'importe quoi, au point que les trafics aujourd'hui les plus fructueux sont ceux des armements et de la drogue.
Dans ce monde où les fortunes s'acquièrent par la spéculation financière plus que par le travail producteur de biens et de services, toutes les dérives conduisent à la jungle, sans autre loi que celle du plus fort, celle de la violence et du chaos.
La destruction de l'humain, par le monothéisme du marché et l'idolâtrie de l'argent, suscite des réactions de révolte et d'évasion :
- Evasion dans la drogue ou les tranquillisants, dans la déchéance de l'art en divertissement pour oublier le réel et le sens, cultivant la nouveauté pour la nouveauté, fut-elle absurde, ou le spectacle non pour l'éveil mais pour l'hébétude ou la transe.
- Révoltes nées de l'éclatement des cadres anciens de la vie sociale: les familles, les églises et les nations.
Déchéance de ce qui fut la foi, dans le foisonnement des intégrismes, des superstitions ou des sectes.
Exaspération des nationalismes archaïques par la mythologie d'entités ethniques conduisant à la désintégration du tissu social en unités de plus en plus petites et non viables.
Cette dégénérescence des nationalismes politiques et des intégrismes religieux universalise la violence dans un désordre international nouveauqui n'a plus de loi ni de droit, et des vies personnelles que ce désordre tend à priver de sens et d'avenir.
II- L'unité a créer est porteuse d'espérance
Un pari est donc primordial pour arrêter les dérives. Un pari avec ses refus. Un pari avec ses projets.
Les refus d'un ordre ancien dépassé:
- La propriété ne peut plus être le droit individuel d'user et d'abuser, qui a conduit à la polarisation de la richesse aux mains de minorités au détriment des multitudes.
- La nation ne peut plus être une fin en soi dont la volonté de puissance et de croissance conduit à des guerres et à des affrontements sans fin.
- La religion ne peut plus être la prétention de détenir la vérité absolue, qui implique le droit sinon le devoir de l'imposer aux autres, et qui justifie terrorismes, inquisitions et colonialismes.
Les projets d'un avenir qui n'est pas ce qui sera mais ce que nous ferons.
La mutation exige le passage
- de l'individualisme, où chacun se considère comme le centre et la mesure de toute chose, à la communautédont chaque membre se sent responsable du destin de tous les autres (la liberté de l'autre n'est pas la limite de ma propre liberté mais sa condition);
- du positivisme, fondé sur la croyance superstitieuse selon laquelle la science et la technique peuvent résoudre tous les problèmes, y compris celui du sens de notre vie, et devenant une religion des moyens, à la foi, que les uns appellent foi en Dieu et les autres foi en l'homme, mais qui est toujours foi dans le sens de la vie et de l'unité du monde.
- du particularisme, privilégiant les intérêts d'un individu, d'un groupe ou d'une nation contre ceux du tout à la considération première du tout. Aucune action ne peut être créatrice d'un avenir à visage humain si elle n'est pas fondée sur celle-ci et ne s'y ordonne.
La situation du monde nous impose ce choix: l'inconscience de l'anarchie d'une guerre de tous contre tous, qui conduit à la mort, ou la conscience de la primauté absolue du tout pour sauver l'espérance, c'est à dire la vie.
Projet de déclaration des devoirs
1 - L'humanité est une seule communauté, mais non par l'unité impériale de domination d'un Etat ou d'une culture. Cette unité est au contraire symphonique, c'est à dire riche de la participation de tous les peuples et de leur culture.
2 - Tous les devoirs de l'homme et des communautés auxquelles il participe découlent de sa contribution à cette unité: aucun groupement humain, professionnel, national, économique, culturel, religieux, ne peut avoir pour objet la défense d'intérêts ou de privilèges particuliers, mais la promotion de chaque homme et de tout homme, quel que soit son sexe, son origine sociale, ethnique ou religieuse, afin de donner à chacun la possibilité matérielle et spirituelle de déployer tous les pouvoirs créateurs qu'il porte en lui.
3 - La propriété, publique ou privée, n'a de légitimité que si elle est fondée sur le travail et concourt au développement de tous. Son titulaire n'en est donc que le gérant responsable.
Nul intérêt personnel, national, corporatif ou religieux, ne peut avoir pour fin la concurrence, la domination l'exploitation du travail d'un autre ou la perversion de ses loisirs.
4 - Le pouvoir, à quelque niveau que ce soit, ne peut être exercé ou retiré que par le mandat de ceux qui s'engagent, par écrit, pour accéder à la citoyenneté, à observer ces devoirs. Les titulaires peuvent en être exclus par leurs pairs s'ils en dérogent.
Il ne comporte aucun privilège mais seulement des devoirs et des exigences.
Poursuivant le même but universel il ne peut s'opposer en rival à aucun autre pouvoir.
5 - Le savoir ne peut, en aucun domaine, avoir la prétention de détenir la vérité absolue, car cet intégrisme intellectuel engendre nécessairement l'inquisition et le totalitarisme.
La création étant le propre de l'homme elle ne peut être aliénée ou remplacée par aucune machine, si sophistiquée soit elle, sans déchoir en idolâtrie des moyens ( qui exclurait tout fondement du devoir ).
6 - Le but de toute institution publique ne peut être que la Constitution d'une communauté véritable c'est à dire, à l'inverse de l'individualisme, d'une association en laquelle chaque participant a conscience d'être personnellement responsable du destin de tous les autres.
7 - La coordination universelle de ses efforts de croissance de l'homme peut seule permettre de résoudre les problèmes de la faim dans le monde et de l'immigration, comme du chômage forcé ou de l'oisiveté parasitaire, et de donner à chaque être humain les moyens d'accomplir ses devoirs et d'exercer les droits que lui confère cette responsabilité.
Elle exclut donc tout privilège de puissance, qu'il s'agisse de veto, de pressions militaires ou financières ou d'embargos économiques.
8 - Il n'appartient qu'à la communauté mondiale - sans différenciation numérique - de veiller à l'observance universelle de ces devoirsD'après Roger Garaudy