C’est moche.
Moche. Très moche. Criard. Vulgaire.
Ça salit le regard, la tête et l’âme aussi. Nos yeux n’en peuvent plus. Nos yeux crient grâce, il faudrait les fermer, les barrer, les aveugler d’un bandeau noir, qu’ils puissent respirer.
Nos yeux gavés vomissent des images, des enseignes, des slogans lapidaires accrochés aux murs des parois publicitaires. Nos yeux se voilent, pollués jusqu’à la garde par l’encre des imprimantes, nos yeux remplis de poudre de café, nos yeux voilés, violés par l’explosion des balles dans des corps écartelés.
Nés pour regarder la beauté du monde, nos yeux se noient dans la coulée pourpre d’un ketchup photoshopé, ils salivent à la vue d’un steak haché pris entre deux tranches de pain blafard qu’un ordinateur a fait croustiller.
Nos yeux. Allumés par quatre paires d’abdominaux allongés sous une peau plus veloutée qu’un carré de soie. Nos yeux dans le creux d’une paire de seins siliconés, sans cesse trompés par une réalité retouchée, relevée, reliftée, incisée au scalpel et liposucée.
Nos yeux.
Prisonniers du clinquant et du vide, nos yeux un jour finiront bien par prendre des vessies pour des lanternes et les couchers de soleil pour des spectacles télévisés.