Quand Nicolas Juncker (D’Artagnan, journal d’un cadet, Immergés) sort une bande dessinée il vaut mieux se ruer dessus car la qualité est souvent au rendez-vous. Je ne suis pourtant pas fan de récits historiques, mais je n’ai pas vraiment hésité à me procurer ce diptyque retraçant le destin tragique de deux célèbres reines du XVIe siècle : Marie Stuart et sa cousine Elisabeth Tudor.
Personnellement, j’ai commencé par la Putain, Marie Stuart. Reine de France à l’âge de seize ans suite à son mariage avec François II et reine d’Ecosse de naissance, la belle et fougueuse jeune femme n’hésite pas à multiplier les conjoints afin de parvenir à ses fins. Catholique et prétendante légitime au trône d’Angleterre grâce à sa descendance directe avec Henry VII, elle doit cependant laisser ce titre à une Tudor prénommée Elisabeth. Grâce à la mort prématurée de nombreux prétendants au trône d’Angleterre, la bâtarde va en effet lui brûler la politesse et devenir la plus grande reine d’Angleterre. Protestante, froide et calculatrice, la Vierge refusera toujours de se marier et deviendra ainsi la dernière de sa lignée.
C’est à travers les différents hommes qui les ont côtoyées tout au long de leurs vies que Nicolas Juncker nous raconte l’incroyable histoire de ces deux femmes que tout oppose. Excepté le fait d’avoir marqué l’Histoire de leur empreinte, dans un monde pourtant régi par les hommes, les deux prétendantes au trône d’Angleterre n’ont en effet quasi rien en commun. L’auteur parvient non seulement à relater la destinée des deux cousines avec humour, mais fait également preuve d’un sens du rythme surprenant au sein d’un genre qui a souvent tendance à multiplier les récits verbeux. De plus, multipliant les rebondissements, il retranscrit avec brio cette époque trouble, où manœuvres politiques et complots en tous genres ne laissaient pas souvent de place aux longs règnes.
Mais l’auteur fait encore plus fort en se livrant à un exercice de style tout à fait remarquable sur le plan de la construction narrative. Les deux biographies peuvent en effet se lire séparément et dans l’ordre de votre choix, mais elles peuvent également se lire parallèlement. Le récit d’Elisabeth Tudor débute en effet en prison tandis que Marie Stuart termine emprisonnée. Les deux récits se font ainsi constamment écho autour d’une double page centrale commune. Ce jeu de miroir inversé qui consiste à faire correspondre les cases, les dialogues et les situations tout au long du diptyque est absolument remarquable. Mais le plus étonnant est que le parfait parallélisme de cette structure en palindrome ne freine aucunement l’accessibilité de ce récit grand public. L’auteur ne livre donc pas un exercice réservé aux fans de l’OuBaPo, mais une construction narrative symétrique d’une fluidité rare.
Visuellement, le style dynamique et plein d’humour de Nicolas Juncker tranche avec le dessin ultra-réaliste qui accompagne habituellement le genre historique, mais permet de livrer ces biographies avec légèreté et de manière ludique et divertissante, sans pour autant y perdre au niveau de l’érudition.
Vous n’aimez pas les récits historiques ? Essayez donc celui-ci à la sauce Junker ! Un vrai bijou ! Intelligent, drôle et didactique !
Retrouvez d’ailleurs ce coup de cœur dans mon Top BD de l’année !