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"La garde-barrière dit que l'amour arrive à l'heure" de Pierre-André Milhit

Publié le 08 avril 2015 par Francisrichard @francisrichard

Le titre du recueil des cent vingt-cinq poèmes de Pierre-André Milhit, La garde-barrière dit que l'amour arrive à l'heure, reprend une des sentences qui terminent chacun d'entre eux, qui en sont comme la chute, le plus souvent inattendue, et qui séduisent l'esprit parce qu'un tantinet facétieuses.

Ces poèmes sont en effet tous composés de onze vers libres comme l'air: deux strophes, l'une de six vers, l'autre de quatre, suivies d'une sentence poétique paradoxale (dans l'exemple du titre, c'est l'amour qui se substitue au train que le lecteur attendait):

un pigeon amoureux parade

comme un petit caporal

il marche sur sa propre fiente

et sur une peau de banane

la pigeonne lui dit d'aller se faire cuire son oeuf

Ces sentences prennent l'allure de dictons, car elles conjuguent à chaque fois le verbe dire, surtout au présent, un présent intemporel, parfois à l'imparfait, rarement au passé composé, au futur ou au conditionnel.

Ces sentences peuvent être l'aboutissement d'une suite d'images, ici sensuelles:

c'est un jus de canelle

qui roule sur la gorge

c'est un miel de genêt

qui perle sur la joue

c'est du lait d'onagre

qui coule sur le ventre

ta peau est un émerveillement

sur l'autel des matins doux

ta peau est une corbeille de fruits

sur la table des jours de fête

elle dit que la mémoire tient de l'imprimerie

Ou elles peuvent n'apporter qu'un point final à la dernière image évoquée:

la rédaction est un bowling

les nouvelles tombent et se relèvent

la chroniqueuse affûte ses crocs

ricane et pouffe son commentaire

elle dit qu'elle fait cochon sur la dernière quille

Ces poèmes parlent de la vie, dans toutes ses dimensions:

la vie c'est encore de la braise

la vie s'accroche aux clochers

la vie parfois s'arrête

la vie se déguste au fil des heures

demain la vie sera plus rose

Ces poèmes parlent d'amour:

je répète mon braille sur le grain de ta peau

tu me dis que ta phrase est longue de désir

De temps qu'il fait:

il pleut sur le chat qui ronchonne

De temps qui passe:

une heure pleine de feuilles mortes

quelques secondes d'étincelles

une journée faite d'évitements

quelques instants d'effleurement

une semaine longue de fatigue

une matinée de grâces et de fleurs

D'êtres et de choses aux comportements anthropomorphes:

le noisetier fait faillite

la valériane est sous tension

la lessive sanglote sous l'averse

Le monde poétique de Pierre-André Milhit offre de belles correspondances au lecteur. Il ne peut qu'être ravi d'être admis dans la familiarité d'un tel monde qui parle à son imagination, d'être invité à en partager les goûts et les couleurs, d'être comblé par ses mots harmonieux et ses images évocatrices. Et, si ses nuits sont sans sommeil, la sentence suivante devrait le redresser au lieu de l'accabler et lui apporter quelque réconfort:

l'insomnie dit que la vie est verticale 

Francis Richard

La garde-barrière dit que l'amour arrive à l'heure, Pierre-André Milhit, 136 pages, éditions d'autre part


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