Au terme d'une longue procédure de recrutement qui a commencé en octobre dernier et qui s'est achevée il y a deux mois, j'ai décidé de mettre un terme à mes activités de conseil aux Etats-Unis et de reprendre du service dans l'industrie comme directeur de la communication et des affaires institutionnelles d'une organisation internationale, dont le siège est à Toronto, et qui est en charge de la promotion du nickel au plan mondial dans une perspective de développement durable.
Un ancien dirigeant, venu lui aussi à l'industrie par le service public, m'avait prévenu, et un DRH de ministère avant lui alors que je prenais congé un peu précipitamment : lorsqu'on quitte la fonction publique pour l'industrie, on n'y revient pas. Un autre, plus récemment, m'interpela avec humour : - "Comment, vous en êtes sorti et vous voudriez y revenir ? ". La réponse, au fond, est assez simple : j'aime cette industrie - j'ai dit ailleurs (et je rappelais encore hier au déjeuner à un camarade de jeu de chez McKinsey) ce que je dois à Eramet, que je retrouve du coup par la même occasion -, les gens, généralement bien, qu'on y rencontre et les défis, le plus souvent compliqués, qu'il faut y relever.
Trois éléments particuliers sont venus, en l'espèce, ajouter à ces considérations générales. En premier lieu, la portée globale de la fonction : d'un point de vue technique, que le poste soit localisé à Toronto, Londres ou Shanghaï n'a guère d'importance. Il est définitivement, non pas seulement international, mais bien résolument global, obligeant en permanence au meilleur ajustement possible entre les orientations et leur mise en oeuvre et à une créativité stratégique à multiples facettes. S'il y avait un doute à ce sujet, le rythme et le mouvement de l'entrée en matière entre l'Amérique du Nord, Londres, Bruxelles et Paris et, bientôt, l'Asie a eu tôt fait de le dissiper.
Second élément : une dimension affaires publiques, institutionnelles ou gouvernementales, comme on voudra (les formulations varient selon les aires culturelles et les organisations), à l'évidence, non pas exclusive comme on pourrait le penser spontanément, mais à tout le moins prédominante. Partout, un dialogue nourri et responsable, conforme à la vocation de l'Institut, s'impose avec toutes les parties prenantes.
Troisième élément enfin : une portée développement durable intimement mêlée à la partie communication et l'exigence, là-dessus, d'avoir à penser, et à communiquer, au-delà des évidences de l'époque. Prenons la question du CO2 : il faut beaucoup d'énergie pour produire une tonne de nickel. Mais la durée de vie des matériaux en acier inoxydable (qui représente deux tiers des débouchés du nickel) est quasi infinie, non seulement en raison de la robustesse du matériau en lui-même, mais aussi de sa très grande recyclabilité - si bien que, rapportée à son cycle de vie, la contribution du nickel à l'émission globale de carbone devient négligeable (elle l'est d'ailleurs aussi en chiffre absolu comparée à d'autres secteurs).
A travers une problématique qui mêle des dimensions globales, publiques et environnementales, je découvre ainsi depuis ou trois semaines une équipe internationale de haut niveau, composée d'experts reconnus dans leur domaine, flexible, réactive, mobilisée sur des enjeux complexes et qui, à l'intelligence des situations, associe un sens de l'humour que le caractère multiculturel de l'Institut peut rendre, tantôt désopilante et tantôt périlleuse.
Un seul regret que, dans le champ de la communication, on aurait tort de considérer comme anecdotique : l'expression "c'est nickel !", qui traduit si bien en français l'expression d'une perfection, ne trouve pas d'équivalent dans les autres langues. Mais, d'un point de vue anthropologique, la communication ne commence-t-elle pas toujours avec l'écart que crée la différence ?