Les couleurs de l'amour pour Bella
Chagall est un amoureux. Lorsque vous entrez au Musée du Luxembourg l'un des premiers tableaux que vous apercevez est celui des "Amoureux en vert". Bella est sublime. Chagall est apaisé. La peinture du surréaliste russe est remplie de symbole et d'amour surtout lorsque Bella est dans la toile. Cette oeuvre donne la clé de ce peintre habité de couleur, de vie inextinguible et de nostalgie créatrice, qui revient toujours sur ses motifs comme un pianiste à ses gammes. Car la peinture de Chagall c'est avant tout des symboles puisés dans sa vie.
Autre symbole. Au fil des toiles, vous découvrez un personnage récurrent, le juif errant. C'est un homme qui transporte son baluchon sur le dos. Dans l'une de ses oeuvres, on l'aperçoit au-dessus d'un village, son village de Vitebsk en Russie. Vers 1914, Chagall réalise plusieurs toiles où figurent des juifs âgés qui évoluent dans les airs et symbolisent la grandeur tragique des rabbins et des mendiants, comme on peut le voir sur cette toile inspirée du cubisme. La métaphore du voyage au-dessus des maisons exprime la grande pauvreté des gens.
Mais là où mes yeux plongent sans vergogne... C'est ici, dans les couleurs de Chagall. Elles sont magistrales. Sans limite. Explosives. Vous êtes transpercé par l'éclat de ses couleurs vives. Là où Chagall est très fort, à mon sens, c'est avec deux couleurs identiques le rouge et le jaune, il arrive à passer du chaos à la douceur... Le triptyque "Résistance, Résurrection, Libération" habituellement en dépôt au musée national Marc Chagall a été prêté au musée du Luxembourg à l'occasion de l'exposition consacrée à Marc Chagall.
A l'origine ces trois tableaux ne formaient qu'une seule et immense œuvre baptisée Révolution. Marc Chagall les a découpés en 1943 pendant son exil aux États-Unis pour échapper au nazisme.
Résistance, Résurrection, Libération
1937-1948
Le 2 septembre 1944 Chagall perd sa seule raison de vivre. Sa Passion. Son amour. Bella meurt d'une septicémie foudroyante. Le monde de Chagall s'effondre. Il commence par peindre des tableaux sombres, tristes. L'ombre de Bella est partout. Une marié erre dans les airs, sur les côtés droit ou gauche de la toile. Bella ne quittera jamais les tableaux de Chagall. Mais le temps passe et la douleur s'atténue. Chagall refait sa vie et se marie avec Valentina Brodsky (1905-1993) en 1952. Après s'être exilé aux Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale, il retraverse l'Atlantique en 1948 et s'installe à Saint-Paul-de-Vence dans les Alpes-Maritmes. Cette nouvelle vie bouleverse sa peinture. Si certaines peintures restent empreintes d'une tonalité sombre, il s'efforce de sublimer le passé et parvient peu à peu à une plus grande liberté. Les couleurs des paysages méditerranéens envahissent progressivement ses œuvres. Cette sérénité est à son apogée dans "La Danse", véritable hymne à la joie qui reprend une nouvelle fois les principales figures de l'univers chagallien : l'âne c'est son autoportrait, le coq symbolise la force du mâle, les circassiens montre la métaphore de l'artiste (il aime l'univers du cirque), le village juif lui rappelle son enfance, le bouquet de fleurs symbolise la relation amoureuse. Chagall était un artiste entier, sincère et passionnant. Lorsque je suis sortie de l'exposition j'étais remplie de joie...
Virginie Maillard
Marc Chagall, La danse, 1950-1952, Nice, musée national Marc Chagall © RMN-Grand Palais (musée Marc Chagall) / Gérard Blot © ADAGP 2012
Chagall entre guerre et paix. Musée du Luxembourg. 19, rue de Vaugirard (VIe). Tél.: 01 40 13 62 00. Horaire: tous les jours, de 10h à 19h30. Jusqu'au 21 juillet. Réunissant une centaine d'œuvres, l'exposition met en lumière la singularité avec laquelle Chagall aborde les représentations de guerre et celles de paix. La sélection révèle l'intense rayonnement d'une œuvre qui ne se réduit jamais à une seule lecture, le vocabulaire pictural intégrant avec audace les événements et les émotions de l'artiste."Chagall entre guerre et paix",