Régulièrement, des propos injurieux et diffamatoires sont tenus à l'égard des harkis à raison de leur passé et de leur engagement aux côtés de la France pendant la guerre d'Algérie. Mais, en dehors de l'indignation suscitée sur le moment, aucune sanction pénale n'est prononcée contre leurs auteurs.
Des propos injurieux et diffamatoires...Au début de l'été, le débat sur les emplois d'avenir au conseil municipal d'Orléans a suscité une polémique sur les harkis lorsqu'un adjoint au maire, Olivier Carré, a déclaré que " proposer ces emplois à des jeunes, c'est les réduire à devenir des harkis de l'emploi et de la fonction publique ". Des voix se sont alors élevées pour dénoncer un " dérapage nauséabond ", plaindre les harkis et menacer de poursuites...A ce jour, aucune plainte n'a été déposée.
Quelques mois plus tôt, lors d'une émission diffusée sur LCP le 13 février 2013, Jeannette Bougrab était prise à partie par Jean-Pierre Elkabach qui a traité les harkis de tortionnaires auxquels on " a fait faire des sinistres besognes en Algérie ". Là aussi, de nombreuses voix ont dénoncé les propos injurieux et diffamatoires de Jean-Pierre Elkabach tout en envisageant de porter l'affaire devant les tribunaux, mais là aussi aucun dépôt de plainte.
Déjà avant, des hommes politiques avaient tenu des propos blessants et insultants pour les harkis : Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, avait traité les centristes humanistes rejoignant Ségolène Royal de "harkis" ; Pierre Lellouche, quant à lui, avait jugé que les électeurs de l'UDF qui rejoignaient en 2007 Nicolas Sarkozy n'étaient " ni des harkis ni des chaouch de la majorité présidentielle " ; en 2006, Jean-Pierre Raffarin avait qualifié les centristes de " harkis de l'UMP " alors que Georges Frêche les traitait de sous-hommes.
A chaque fois des voix se sont élevées pour s'indigner, protester et condamner, et à chaque fois rien ne se passe et tout continue comme avant, pour la simple raison que les textes censés protéger les harkis sont inopérants.
...mais des textes inapplicablesL'Etat français a en effet pris, entre 2005 et 2012, deux textes censés protéger les harkis.
En 2005, suite à une revendication ancienne des associations de harkis, le Parlement français a voté une loi (loi n° 2005-158 du 23 février 2005) qui posait en son article 5 le principe de l'interdiction de toute injure ou diffamation envers les harkis.
Le respect de ce principe devait être assuré par l'Etat...alors même que la loi ne prévoyait aucune sanction pénale. L'Etat n'est d'ailleurs jamais intervenu pour faire respecter ce principe malgré les propos insultants à l'égard des harkis.
Mais où avaient donc la tête ceux qui avaient voté ce texte complètement inapplicable ?
Devant l'insuffisance de ce texte, une nouvelle loi a été votée en 2012 (loi n° 2012-326 du 7 mars 2012). Ce texte complète la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et prévoit des sanctions pénales pour les injures et les diffamations contre les formations supplétives de l'armée française.
Cette loi, votée par la quasi-totalité de la représentation nationale, protège les formations supplétives, mais occulte totalement la référence aux harkis et à leurs familles. Curieuse démarche, alors qu'il suffisait juste de compléter l'article 5 de la loi du 23 février 2005...qui elle visait explicitement les harkis (toujours vivants alors que les formations supplétives n'existent plus).
Elle ne tient donc pas la route et semble insuffisante pour que la justice puisse sanctionner ceux qui diffameraient les harkis. Voilà pourquoi il n'y a que très peu de plaintes et encore moins de sanctions.
Quand la droite diffame, la gauche s'indigne ; quand la gauche insulte, la droite s'offusque...mais c'est la gauche et la droite qui ensemble ont voté une loi qui ne protège ni les harkis ni leurs familles. La preuve est ainsi faite que l'on nous prend vraiment pour des cons...avec en prime le droit de nous insulter impunément.
Saïd Balah