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Gangrene (The Alchemist & Oh No) : Gutter Water

Publié le 07 décembre 2010 par Crazyhorus

Gangrene (The Alchemist & Oh No) : Gutter Water

Les collaborations entre beatmakers respectifs ont toujours suscité un intérêt particulier qui trouve peut être ses raisons dans la rareté de ce type d'initiatives. Certes, nous avons tous en tête les projets communs entre MF Doom et Madlib ou Madlib et J Dilla qui ont à leur manière marqué leur temps. Il n'en reste pas moins que ce genre doublon reste exceptionnel. Pour les deux californiens que sont The Alchemist et Oh No (frère de Madlib), leur rencontre informelle sur un show des Dilated Peoples a été le facteur déclencheur, Evidence jouant le rôle d'entremetteur. Des productions échangées entre l'un et l'autre est donc né le duo psychotique Gangrene.

Sativa Indica paranoïa

Gangrene... Derrière ce mot se cache tout un concept autour de la mort, sa fascination pour ses effets physiques les plus rebutants telle la décomposition cadavérique sous le soleil de plomb de la Californie, le tout largement imprégné d'une haute teneur en THC inspirant de facto une paranoïa diffuse. Avec ce Gutter Water, The Alchemist et Oh No se rapprochent (consciemment ou non) des canons de la beauté shakespearienne selon lesquels " le laid est beau et le beau est laid " ( Macbeth), à l'image du titre " The Sickness " extrait de l'EP introductif Sawblade. Sur le papier bien qu'Oh No peine à se détacher parfois du style de son frangin, la combinaison reste prometteuse, notamment grâce à la longue expérience d'Alan Daniel Maman aka The Alchemist depuis la fin des années 1990. Introduit par une cover à l'artwork façon Tchernobyl, le bien nommé Gutter Water décline ses immondices sonores sur quinze pistes qui regroupent à la fois les proches de Stones Throw (Guilty Simpson, Roc C, MED) et les familiers du producteur de Beverly Hills (Evidence, Fashawn, Planet Asia, Big Twinz, Raekwon). En revanche, une fois la dissection entamée, le résultat s'avère quelque peu frustrant.

Montre-moi tes entrailles et je te dirais qui tu es

Etant avant tout beatmakers, nos deux chantres cyniques se sont risqués à prendre le mic. Déballant chacun un flow à la rigidité post mortem, difficile de convaincre même les moins exigeants. On aurait d'ailleurs préféré que ces derniers restent derrière les manettes afin de laisser la place à des fossoyeurs plus expérimentés comme Big Twins échappé d'IM3 (Infamous Mobb) sur " Not Leaving " et qui apporte un grain infiniment plus grimey.

Du côté des productions le travail reste - toute proportion gardée - plus intéressant, chacun étant le gardien d'un style vite reconnaissable. Lorsque Oh No s'égare sur des compositions excentriques (" Ransom ", " Take Drugs "), The Alchemist rectifie le tir en proposant un travail moins torturé et plus accessible comme en témoigne cette pluie de boucles de piano qui s'égrène sur " Not High Enough ". Malgré la faiblesse des flows, certains titres conservent une belle épaisseur qui vient pallier à cette carence regrettable (" Boss Shit ", " Get Into Some Gangster Shit " feat. Planet Asia). Bien que Gutter Water atteste d'un désir de bien faire dans l'élaboration et l'exécution des morceaux, le duo se noie dans les eaux troubles de son propre univers que les mains tendues de Guilty Simpson, Fashawn et Evidence ne parviennent à ramener sur la berge. On regrettera donc que le potentiel intrinsèque à Gangrene ne soit pas au rendez-vous. Un tel combo ne peut se contenter de susciter la curiosité, il faut à un moment mettre ses tripes sur la table. Même si Gutter Water prend un peu plus de corps à chaque écoute, son intérêt reste malheureusement limité.

Gangrene (The Alchemist & Oh No) : Gutter Water
Gangrene (The Alchemist & Oh No) : Gutter Water

Chronique publiée pour NeoBoto.com


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