Six ans après son annonce, le premier opus de Saigon voit enfin le jour. Le moment de vérité pour celui qui aurait pu être relégué au rang des oubliés après ses déboires avec Atlantic Records malgré un potentiel non négligeable salué à l'époque par quelques médias et de nombreux headz. Un parcours en dents de scie pour un album dont le scénario cauchemardesque commençait dangereusement à ressembler à celui de Detox, mais qui finalement a pris la tangente. Voici le jour tant attendu.
Un accouchement difficile
S'il est difficile de se faire un nom dans l'industrie du disque, cela l'est d'autant plus lorsque la maison de disques sur laquelle on a fondé de grands espoirs emploie un malin plaisir à ralentir vos projets. L'histoire de Saigon aurait pu s'arrêter en 2005 mais le sort en a voulu autrement. Après avoir rongé son frein dans la promiscuité d'une cellule à regarder son pote Shyne briller chez Bad Boy Records (à sa sortie les deux Mcs se croiseront mais dans l'autre sens) et s'être révélé sur sa tape Warning Shots (2004), tout semblait aller pour le mieux pour ce rappeur à la rime brillante et au verbe conscient. Repéré par Just Blaze, signé chez Atlantic, Saigon annonce dans la foulée son premier véritable effort intitulé The Greatest Story Never Told dont les projets trouveront une place de choix dans les tiroirs obscurs de la maison mère. Dès lors, le MC de Brownsville est à la recherche de visibilité en effectuant quelques apparitions dans la série Entourage de Mark Wahlberg et en réalisant en 2007 un premier single " Come On Baby " accompagné de Swizz Beatz. Peu à peu, Atlantic se détourne du rappeur, préférant se concentrer sur le destin plus lucratif de Plies. Il n'en fallait pas plus pour que le Yardfather claque la porte. Commence alors une longue marche du désert entrecoupée de vains espoirs jusqu'à maintenant.
2011 : The Greatest Story Never Told
Ce qui au départ ne devait compter qu'environ six titres de Just Blaze s'avère être au final presque intégralement produit par ce dernier au grand dam de son ami Scram Jones qui se retrouve avec un instrumental (" War ") d'à peine deux minutes... Autant dire que la touche soulful de Blaze reste la teinte prépondérante de cet album plutôt homogène malgré les écueils regrettables que sont " Bieleve It " et " Bring Me Down Part.2″. Au delà, TGSNT fait preuve d'une belle assurance en proposant une direction artistique classique prévisible mais efficace. Les bons morceaux se suivent avec une fluidité appréciable (" Enemies ", " Friends ", " The Greatest Story Never Told ") dont l'acmé reste sans conteste la deuxième entame à partir de " Clap " feat. Faith Evans et sa boucle cuivrée empruntée à Lamont Dozier. Un peu moins mordant qu'à l'accoutumée Saigon reste tout de même une fine lame et pose un flow aisé sur des productions pitchées (" It's Alright " de Kanye West et son sample de Luther Vandross), énergiques (" Preacher " feat. Lee Fields & The Expressions) ou s'apparentant à des balades au groove savoureux à l'instar de cette production de Red Spyda sur " What The Lovers Do " feat. Devin The Dude. Malgré ses déboires, Saigon n'a rien perdu de sa superbe et offre même quelques éclats de style sur " Oh Yeah (Our Babies) ", et son beat taillé sur-mesure par Buckwild.
Un rien redondant, TGSNT tient malgré tout ses promesses. Il est simplement dommage que ce projet arrive aussi tard, car le Yardfather aurait pu en tirer davantage de gloire. Saigon n'aura rien lâché, tendu vers un horizon d'attente précis pour au final coller parfaitement à ces mots de Jean Cocteau : " Le bonheur est une longue patience ".