D'après le metteur en scène Pieter Van Hees, Waste Land, dont le titre fait référence au poème éponyme de T. S. Eliot, est " une métaphore de l'Europe actuelle, un continent en crise avec la jeunesse issue de l'immigration très éloignée de ce qui était le peuple blanc dominant ". Et c'est ainsi que pour dépeindre ce constat, ce pessimisme dans lequel est plongé la ville de Bruxelles (souvent appelée la capitale européenne), le réalisateur ne va pas y aller avec le dos de la cuillère : son film est sombre, désespéré, sorte de microcosme crasseux dans lequel évoluent des personnages tourmentés et agités, incapables de s'échapper de leur condition. Parfois - souvent - avec le risque d'en faire des tonnes dans la noirceur, sans aucune nuance.
Ne vous attendez pas ne serait-ce qu'à une infime part de légèreté dans le ton, il n'y en a pas. Un choix accentuant l'aspect dérangeant et sans échappatoire du long-métrage, bien souligné par sa mise en scène qui renforce cette sensation d'oppression. La caméra tremble, prend sur le vif, suit au plus près les protagonistes, tandis que la photo, crade et granuleuse à fond, semble vouloir représenter un monde au bord de l'extinction. Techniquement, le film est relativement cohérent dans son approche et possède des qualités indéniables. On retiendra par exemple le très gros boulot effectué sur le son, notamment sur certains enchaînements de séquences. Autre point très positif, le jeu des comédiens, avec un Jérémie Renier habité, de plus en plus à l'aise dans un genre qui lui sied bien. Malheureusement, on trouvera beaucoup à redire sur le scénario, finalement assez peu subtil ou du moins dénué d'une certaine épaisseur, probablement le résultat d'une écriture manquant de " constance ". Ainsi, si le début du film s'avère relativement prenant, l'on ne pourra en revanche pas en dire autant sur la suite, de plus en plus elliptique et confuse (volontairement), laissant de côté les spectateurs qui auraient pu avoir une certaine difficulté à s'attacher à un " héros " pas spécialement sympathique. Ce qui s'apparentait à un classique thriller, glisse ainsi peu à peu dans un tout autre genre, beaucoup plus " métaphorique ", où la psychologie du personnage principal prend le pas sur les événements extérieurs de l'histoire. Et l'on pourra ressortir ainsi de la salle frustré, car l'enquête démarrant le récit n'aura pas de conclusion explicite.
Pour tempérer un peu cette déception, il est tout de même intéressant de noter que le film fait partie d'une sorte de trilogie thématique " Anatomie de l'amour et la douleur ", et qu'en ce sens, effectivement,
Waste Land s'y intègre parfaitement. Donc ne pensez pas avoir devant vous un polar sans ambition, bien au contraire. Sachez juste que le film risque de vous déstabiliser car parfois trop " embrouillé ". Ce qui est sûr, c'est qu'il ne fera pas l'unanimité.A réserver donc aux amateurs du genre.
Waste Land
35 mm en 2.35 : 1 / 97 minutes
Léo Woeste est inspecteur à la brigade criminelle de Bruxelles. Il vit avec Kathleen et leur fils Jack, 5 ans. Jour après jour, il explore les bas-fonds de la ville, le " Waste Land ". Sa famille lui permet de garder pied. Mais l'enquête sur le meurtre d'un jeune congolais amène Léo à rencontrer la soeur de la victime, une femme magnétique et déterminée. Entre rituels, fascination et vieux démons, l'équilibre de Léo semble plus que jamais menacé ...