Il aura fallu que Tim Burton réalise son second biopic (ou tout comme, plutôt) pour enfin retrouver une énergie que l'on n'avait plus vue chez lui depuis très longtemps. Ainsi, il nous paraît relativement évident que ce Big Eyes est probablement ce que le réalisateur a sorti de mieux depuis de nombreuses années, pendant lesquelles il semblait un peu égaré artistiquement parlant, n'arrivant jamais à se renouveler, répétant inlassablement les mêmes schémas préfabriqués en faisant exactement ce que le public attendait de lui. Pour résumer, il faisait du Tim Burton, sans prendre aucun risque, de ceux qui avaient pourtant fait son succès au début de sa carrière. Et surtout, il ne semblait plus rien avoir à raconter, malgré le côté très divertissant de certains de ses derniers films (il n'a pas non plus fait que des navets, d'autant que même avec leurs maladresses ils restent intéressants à voir - mais peut-être est-on trop indulgents ?).
Toujours est-il que Big Eyes est donc une plutôt bonne surprise. Et qu'à défaut d'être un chef d'oeuvre - faudrait pas exagérer, ce n'est pas Ed Wood non plus - ni même un grand film, c'est déjà un bon film. Qui pourra agacer, certes, mais un bon film tout de même, et venant d'un metteur en scène aussi décevant, c'est plutôt encourageant. Oubliant tous ses gimmicks, toutes ses particularités esthétiques, et son style qui participent à rendre ses films immédiatement reconnaissables et à faire de lui un auteur, Tim Burton réalise ici un long-métrage sobre, dépourvu - ou presque - de débordements fantastiques. Et cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas privilégié le fond à la forme. Car cette fois-ci, c'est bien le récit en lui-même et non son illustration qui motive le réalisateur d' Edward Aux Mains D'Argent. Dans ses thèmes, dans ses observations, dans son propos, tout semble indiquer le retour en forme d'un metteur en scène qui semble presque s'excuser de certains choix artistiques douteux. Pour un peu, l'on pourrait presque comparer la carrière de cette jeune femme surdouée contrainte et forcée par son mari à peindre " mécaniquement " les mêmes motifs toiles après toiles en raison de leur immense succès et de l'argent facile en découlant, avec celle du réalisateur, dont la touche " poético-gothique " sur ses derniers films semblait davantage dictée par des producteurs cyniques que par des raisons purement artistiques.
Et c'est en cela que Big Eyes est un film vraiment recommandable, car il donne à penser que Tim Burton y règle quelques comptes, ou du moins qu'il s'interroge sur son parcours en tant qu'artiste reconnu. Même son collègue de toujours Danny Elfman semble ne pas vouloir faire - justemen t- du Danny Elfman, à tel point que l'on peut croire entendre bien souvent à la place une bande originale de Thomas Newman.
On aurait vraiment trouvé le film excellent si le scénario avait un peu poussé la réflexion sur la condition de l'auteur (sa démarche artistique peut-elle aller de pair avec son succès, par exemple ?), et avec une réalisation plus inventive (c'est quand même pas très poussé, la mise en scène est parfois vraiment peu inspirée). Ajoutez à cela une chanson de Lana Del Rey arrivant comme un cheveu sur la soupe (elle aurait davantage eu sa place pendant le générique) et un Christoph Waltz qui en fait des tonnes au risque de lasser les spectateurs (l'acteur, très doué, se complait bien trop souvent dans ce genre de rôle), et vous aurez compris que Big Eyes n'est pas parfait. Pour titiller, on a même trouvé un ou deux anachronismes dans les sous-titres. Mais le film offre de retrouver une partie du talent de Tim Burton, celui que l'on apprécie depuis ses débuts.
Espérons que ce si l'annonce de son futur projet Big Eyes soit justement un nouveau départ pour le réalisateur, même
Big Eyes
35 mm en 1.85 : 1 / 107 minutes
BIG EYES raconte la scandaleuse histoire vraie de l'une des plus grandes impostures de l'histoire de l'art. À la fin des années 50 et au début des années 60, le peintre Walter Keane a connu un succès phénoménal et révolutionné le commerce de l'art grâce à ses énigmatiques tableaux représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. La surprenante et choquante vérité a cependant fini par éclater : ces toiles n'avaient pas été peintes par Walter mais par sa femme, Margaret. L'extraordinaire mensonge des Keane a réussi à duper le monde entier. Le film se concentre sur l'éveil artistique de Margaret, le succès phénoménal de ses tableaux et sa relation tumultueuse avec son mari, qui a connu la gloire en s'attribuant tout le mérite de son travail.