D'une très grande ambition, le premier film de Jamel Debbouze, adapté librement du livre de Roy Lewis, est à son image : généreux mais parfois un peu fatigant, énergique mais souvent maladroit, très sincère mais naïf. Un défi technique et artistique qui force le respect, même si pas totalement convaincant. Un divertissement pour toute la famille, qui ne prend pas les enfants pour des idiots. Un projet encourageant et que l'on se doit de soutenir, bravo !
C'est dans une ambiance détendue que Jamel est venu nous présenter jeudi soir son premier film en tant que réalisateur, accompagné de deux experts de la performance capture. Après une petite mise au point pour nous rappeler le principe de cette technologie (matériel apporté pour l'occasion), nous avons eu le plaisir de mettre nos lunettes 3D pour voir ce qui est d'ores et déjà l'un des plus gros événements de l'année et accessoirement, n'y allons pas par quatre chemins, une date pour le cinéma français en raison de son caractère pionnier.
Résultat vraiment mitigé, car malgré l'extrême ambition (louable évidemment) de Jamel, Pourquoi J'Ai Pas Mangé Mon Père n'est pas totalement réussi pour autant, ses nombreuses maladresses étant souvent directement reliées à son envie de bien faire. Comme nous l'a souligné un Jamel enthousiaste mais apparemment épuisé à la fin de la projection, cela fait plus de 7 ans qu'il travaille sur ce projet, et il est parfois logique que certains choix douteux découlent du fait qu'il ait eu le nez dans le guidon un peu trop longtemps. Il vaut d'ailleurs mieux éviter de le comparer avec ses modèles américains, le film n'ayant absolument pas le budget confortable d'un Les Aventures De Tintin : Le Secret De La Licorne par exemple. Ainsi, même si l'on pourra saluer l'effort pour rendre les aventures d' Edouard l'homme préhistorique aussi resplendissantes que possible, la direction artistique pêche par d'évidentes restrictions techniques. C'est plutôt beau, bien fait, mais toujours en dessous des productions en images de synthèse des maîtres du genre. Néanmoins, arriver à un tel niveau de rendu pour un film français relève presque de l'exploit, et l'on ne peut qu'encourager d'autres démarches du même tonneau...
force le respect à bien des égards. Malgré tout, l'on continuera de se poser la question sur l'intérêt de réaliser ce film en performance capture et non en animation. Car si l'on retrouve bel et bien la gestuelle si particulière de Jamel, et que l'on comprend en quoi un artiste aussi à l'aise sur scène ait préféré utiliser une technique lui permettant de recréer cette sensation de liberté avec beaucoup de confort et sans les contraintes inhérentes à tout film Pourquoi J'Ai Pas Mangé Mon Père live plus traditionnel (comme la durée des prises par exemple), on ne peut s'empêcher de remarquer quelques problèmes en ce qui concerne la synchronisation labiale. Les mouvements des lèvres par exemple n'arrivent pas à suivre le débit et l'élocution si caractéristiques de l'acteur. Un paradoxe tant l'on nous vend la performance capture comme l'outil ultime permettant de recréer avec une fidélité extrême le jeu d'un comédien dans ses plus infimes détails, et que les équipes françaises sont allées jusqu'à inventer un nouveau type de casque avec caméra ultra léger de 400 g (car celui choisi en début de tournage - notamment utilisé par Andy Serkis sur La Planète Des Singes - pesait 7 kilos) pour atteindre de tels objectifs. Malheureusement, le procédé montre ses limites, nuisant à apporter la touche d'émotion nécessaire à l'implication des spectateurs et à la bonne réception de la morale du film.
Autre réserve vis-à-vis du ton adopté : d'un côté l'on est devant un pur film de Jamel et l'on ne nous ment pas sur la marchandise, de l'autre l'on se dit qu'il aurait peut-être mieux valu que l'acteur s'efface derrière son personnage. Il aurait fallu trouver un juste milieu entre la reprise au mot près de nombre des répliques cultes du comédien, et une absence totale de références à sa carrière que beaucoup de fans étaient en droit d'attendre. Ici, il y a trop de clins d'oeil, trop d'anachronismes, trop de déformation de langage, au point de larguer très souvent les spectateurs et d'être étonnamment en contradiction avec le thème du film ! Un exemple : Le personnage de Jamel - vif d'esprit - découvre qu'en utilisant la sève d'un arbre, il peut coller des objets. Il appelle cette invention un " attrape-touche " car il n'arrive pas à inventer un mot adéquat, en l'occurrence " colle ", d'où le gag. Or, 5 minutes plus tard, lorsque cette trouvaille tombe littéralement entre les mains de ses congénères - beaucoup plus ignorants - ceux-ci hurlent qu'ils ont les mains collées ! Le problème est que ce décalage permanent (comme par exemple Edouard demandant à Lucie si elle est portugaise) n'apporte rien à l'histoire - il en diminuerait même l'impact. Cependant, renier ces petites touches humoristiques, ces gimmicks, revient à renier ce qui fait que l'on apprécie Jamel. C'est juste qu'il y a parfois une sorte de trop-plein, un excès de bonne volonté (normal, c'est un premier film), un excès de générosité, une envie de convaincre, quitte à remplir le récit à ras bord de tout ce qui fait l'essence même de Jamel. Et aussi talentueux qu'il puisse être, il faut avouer que son " hyperactivité " pourra fatiguer par instants.
Heureusement que son bouillonnement est contrebalancé systématiquement par le jeu de Mélissa Theuriau, très à l'aise. Mais comment reprocher à ce nouveau réalisateur de se faire plaisir ? Comment par exemple lui en vouloir lorsqu'il nous confie avec une profonde tristesse avoir dû couper des tas de scènes au montage, quand bien même celles-ci (mimes à l'appui, avec cette lueur de malice dans le regard) s'avéraient hilarantes ? Comment ne pas voir dans son travail toute l'énergie qu'il a pu y mettre ? Oui, certains choix sont presque de l'ordre du caprice, de l'obsession ou de l'erreur de débutant : on pense notamment à la décision de faire revivre Louis De Funès le temps d'un film, avec cette désagréable sensation de voir un personnage (voire deux) littéralement singer le célèbre comédien... Mais est-ce réellement préjudiciable ? Pas vraiment, car la cible principale du film (entre 7 et 15 ans) ne doit probablement pas bien le connaître, et ne sera donc pas gênée par cette reconstitution, pour le moins déstabilisante.
est ainsi d'une grande naïveté, preuve d'un immense investissement personnel de son metteur en scène. Plutôt maîtrisée, la réalisation est dynamique, inventive, et très encourageante pour de futurs long-métrages : on sent la touche d' Pourquoi J'Ai Pas Mangé Mon Père Alain Chabat poindre derrière chaque scène, le fait que Jamel ait été le héros de Mission : Cléopâtre et de Sur La Piste Du Marsupilami n'étant certainement pas pour rien dans ce constat. On y retrouvera le même goût pour les vignettes musicales notamment. Quoiqu'il en soit, il s'agit d'un projet qu'il faut soutenir. C'est un distrayant film pour toute la famille, et qui ne prend pas les enfants pour des idiots. Dommage de passer juste après un petit chef d'oeuvre, Les Croods, qui raconte finalement exactement la même histoire, mais en mieux, avec une direction artistique plus inspirée (il n'y a qu'à comparer le bestiaire, dans les deux cas les animaux sont composés de plusieurs caractéristiques physiologiques de plusieurs espèces extrêmement différentes), des personnages plus expressifs et sans utiliser la technique de la performance capture. Néanmoins, le message de tolérance, les thèmes
Pourquoi J'Ai Pas Mangé Mon Père
35 mm / 95 minutes
L'histoire trépidante d'Édouard, fils aîné du roi des simiens, qui, considéré à sa naissance comme trop malingre, est rejeté par sa tribu. Il grandit loin d'eux, auprès de son ami Ian, et, incroyablement ingénieux, il découvre le feu, la chasse, l'habitat moderne, l'amour et même... l'espoir. Généreux, il veut tout partager, révolutionne l'ordre établi, et mène son peuple avec éclat et humour vers la véritable humanité... celle où on ne mange pas son père.