Avec la question du quotient familial, la famille s'est invitée dans la campagne présidentielle. Même si ce sujet concerne plus de 30 millions de Français, cette politique est mal connue. Notre politique familiale est un succès, il ne s'agit donc pas de la révolutionner, mais seulement de l'améliorer pour qu'elle vienne davantage en aide à ceux qui en ont le plus besoin.
1)Le quotient familial est injuste
10% des familles perçoivent 46% du budget que l'Etat consacre au quotient familial. Ce sont donc les familles les plus riches qui en bénéficient le plus, alors que les familles qui ne paient pas ou peu d'impôts n'en bénéficient pas.
Voté à l'unanimité en 1945, le quotient familial était au départ une mesure de justice sociale destinée à réduire les impôts des couples ayant des enfants à charge. Il est calculé en fonction du revenu des ménages, des aides familiales perçues par eux et le nombre d'enfants.
Or, cette mesure est loin d'être parfaite : l'avantage fiscal apporté croît avec le revenu du foyer, même si il existe des plafonnements (2300€ par demi part). Ce système a pour conséquence que les 10% des familles les plus riches perçoivent 46% du budget que l'Etat consacre au quotient familial.
Avec le quotient familial, un couple avec 3 enfants économise 600 €/an lorsqu'il gagne 2 smic, mais plus de 9 000 €/an s'il gagne 10 smic.
2) Ce que propose François Hollande : limiter l'aide aux 5% les plus aisés pour augmenter celle des plus modestes...
François Hollande ne souhaite pas supprimer le quotient familial, mais rendre plus juste la redistribution de l'argent consacré au soutien des familles. L'effort de redressement des comptes de l'Etat dans une période de crise économique demande une gestion rigoureuse des aides. Le principe est donc simple : limiter pour les 5% les foyers fiscaux les plus aisés la réduction d'impôt. Elle sera plafonnée à 2000€ la déduction possible pour chaque demie part.
Avec l'argent ainsi économisé, le candidat souhaite, à budget constant, augmenter de 25% l'allocation de rentrée scolaire pour les familles les plus modestes. L'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire permettra à un couple avec trois enfants de gagner chaque année 230 euros de plus ; les familles de classe moyenne, y compris de classe moyenne supérieure, continueront à bénéficier du quotient familial au même niveau qu'aujourd'hui. Ce nécessaire rééquilibrage ne concernera pas 95% des foyers fiscaux bénéficiant du système du quotient familial.
Quelques exemples
- Pour un couple, un contremaître de fabrication qui touche 2 SMIC et une secrétaire à mi-temps 0,8 SMIC, dont les trois enfants sont au collège et au lycée, la hausse de 25% de l'ARS représente 230€.
- Pour un couple de cadres supérieurs gagnant chacun 3 Smic, avec trois enfants, la situation sera inchangée.
- Pour le même couple avec trois enfants, gagnant chacun 4 Smic, soit plus de 8000 euros par mois, la baisse du plafond du quotient familial se traduira par une hausse d'impôt de 1344€ / an, soit 112€ par mois, ce qui représente 1.25% de leur salaire net. Le quotient familial continuera cependant de diminuer leur impôt de 8000€ par an (soit 50% de leur impôt total).
Les propositions de François Hollande
>> Maintien de toutes les ressources affectées à la politique familiale.
>> Hausse de 25% de l'allocation de rentrée scolaire dès la prochaine rentrée.
>> Réforme du quotient familial pour le rendre plus juste, en baissant le plafond pour les ménages les plus aisés, ce qui concernera moins de 5% des foyers fiscaux.
Zoom sur l'allocation de rentrée scolaire (ARS)
L'AVIS DE : François de Singly, sociologue*
- La composition des familles s'est très largement modifiée en 30 ans: familles recomposées, familles monoparentales et familles monoparentales. Pensez-vous que les politiques ont assez pris en compte cette évolution? Et que faudrait-il faire pour mieux adapter la politique de la famille à la réalité du XXIe siècle?
François de Singly : La politique familiale comprend au moins trois volets, celui auquel on pense de suite, les allocations familiales, le quotient familial ; un deuxième volet avec toutes les mesures qui ne sont pas " codées " famille mais qui permettent aux deux parents de travailler, par exemple, les centres de loisirs du mercredi, les cantines scolaires ; et enfin un volet juridique. A mon sens, l'urgence est sur ce dernier point, en reprenant complètement la question de la filiation et de la parentalité. Avec la reconnaissance des familles homoparentales. Mais aussi avec la création d'un statut du beau-parent. Il est totalement anormal que la belle-mère, le beau-père qui est aussi un " parent " n'ait aucune définition juridique. C'est urgent.
- François Hollande estime que les familles les plus modestes et moyennes sont aujourd'hui peu prises en compte et propose le réajustement du quotient familial Qu'en pensez-vous?
François de Singly : Historiquement la politique familiale a été créé en France selon un principe de redistribution dite horizontale : qu'une famille de trois enfants ait le même niveau de vie qu'un célibataire, pour un niveau de revenu considéré. Aujourd'hui un tel principe semble étrange au regard de beaucoup, même si par ailleurs le prix des études à l'université est le même quel que soit le niveau de vie des parents. Pour en revenir à la proposition de François Hollande, elle est raisonnable dans la mesure où elle ne transforme pas toute la politique de la famille en politique sociale.
*Directeur du Centre de recherches sur les liens sociaux, CNRS.