Ce qu'il y a d'agréable avec les cinéastes médiocres, c'est quand ils débarquent sans prévenir, avec un bon film sous le bras. Réalisateur peu renversant, Lasse Hallström livre avec Faussaire une œuvre assez séduisante sur la manipulation et ses conséquences. Avec un rien de mauvais esprit, on pourrait affirmer qu'il n'est en rien responsable de la réussite du film : la mise en scène, purement illustrative, manque cruellement de personnalité. Mais, plutôt que d'aligner les mauvaises idées, mieux vaut ne pas en avoir du tout. Disparaissant totalement derrière son sujet, Hallström laisse le spectateur se concentrer sur l'essentiel, l'histoire passionnante d'un canular à la portée plus importante qu'il n'y paraît.
Outre les nombreux rebondissements, improbables mais avérés, qui ont jalonné l'écriture par Clifford Irving de cette fausse autobiographie de Howard Hughes, c'est par ses incessants jeux de miroir que Faussaire séduit. De façon assez élégante, le scénario dresse les portraits parallèles de deux hommes foncièrement différents, qui ne se rencontreront jamais mais finiront par ne faire plus qu'un. Mêmes obsessions, mêmes hallucinations. Sauf que là même où l'écrivain-faussaire finit par découvrir que l'imagination a ses limites, le milliardaire-victime démontre que la réalité l'emporte toujours.
Omniprésent d'un bout à l'autre du film (il est Irving, tandis que Hughes n'est jamais représenté que par des images d'archives), Richard Gere fait preuve d'une maturité inespérée. Reconnaissance éternelle à Lasse Hallström de l'avoir sorti de ses innombrables tics de comédie (yeux plissés pour le mystère, tête penchée vers le ciel pour la réflexion…) : seuls Coppola et Altman y étaient parvenus avant lui. Et même s'il manque d'un vrai point de vue de cinéaste, Faussaire est un divertissement très futé, complément idéal de la (vraie) bio de François Forestier et de l'Aviator de Scorsese pour une vue d'ensemble de l'insaisissable monsieur Hughes.
7/10
(également publié sur Écran Large)