Samuel Eto'o : eh bien, dansez, maintenant

Publié le 24 janvier 2012 par Atango

Le Cameroun a été éliminé de la CAN équato-gabonaise. Mais, le mot "impossible" n'existant pas chez nous, plusieurs Camerounais évoluent en ce moment dans cette compétition. Si l'on sait que Fidjeu et Ekanga jouent pour le Nzalang National (qui, soit dit en passant, devrait s'appeler "Nzalang International") et que quelques semi ou ex Camerounais évoluent au sein des Panthères, on peut par contre se demander à quel jeu joue Samuel Eto'o.

Celui qui aurait dû conduire l'équipe nationale du Cameroun sur les terrains d'une compétition qui se joue à nos portes est aujourd'hui l'invité très officiel du pouvoir gabonais. Ayant troqué le maillot vert pour le costume trois-pièces, notre capitaine Swing apparaît en très bonne place dans les tribunes, auprès de son "grand-frère" Ali Bongo. Puis, après que le Gabon ait copieusement rossé la redoutable sélection du... Niger, le capitaine de l'équipe nationale du Cameroun accompagne son hôte dans les vestiaires, où les Panthères profitent de l'aubaine pour faire danser le Lion.


Comment ne pas penser à ces vers de Jean de la Fontaine ? (Attention, adaptation très libre) :

Le Lion ayant baillé tout l'été,

Se retrouva éliminé lorsque la CAN fut venue.

Pas un seul trophée, même pas un stade à montrer.

Il alla tenter le ndjooh chez la Panthère, sa voisine,

La priant de lui laisser une petite part de la réussite de sa CAN,

Jusqu'à ce que lui lui-même en organise une.

"Je vous rendrai la pareille, dit-il,

Quand les poules auront des dents, et les serpents des pattes."

Mais la Panthère bien qu'hospitalière

N'hésite pas à utiliser les étrangers comme soupape sociale,

Et à lâcher sur eux la colère de la population,

Quand celle-ci commence à trop râler.

C'est dire qu'elle n'est pas très partageuse.

- "Que faisiez-vous donc au moment où les autres se qualifiaient ?"

- "Au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit,

J'étais occupé à chanter partout que je suis le meilleur."

- "Vous chantiez ? J'en suis fort aise.

Eh bien, dansez maintenant."

Et le Lion de danser, bien malgré lui.

En regardant la vidéo (voir ci-dessous), on apprécie la joie des Gabonais, qui est franchement belle à voir. Mais on sent aussi un peu la gêne d'Eto'o. On ne peut d'ailleurs s'empêcher de se demander ce qu'il fait là. A vrai dire, le patron de la toujours future société SEF Mobile avait une bonne dizaine de raisons de ne pas se trouver dans ce vestiaire à ce moment bien précis.

Au hasard : parce qu'il est le capitaine toujours en exercice d'une équipe qui s'est lamentablement vautrée dans les éliminatoires de la CAN. On parle bien d'une compétition où se trouvent le Botswana et le Soudan. La décence eût voulu que notre capitaine nous épargne cette honte supplémentaire.

Peut-être aussi parce que le Gabon est notre pire ennemi dans la sous-région. Ou encore parce que le père Bongo n'est pas exactement ce qu'on peut appeler un grand démocrate. Bon, notre chef à nous n'a pas de leçons à donner dans ce domaine, soit. Raison de plus pour ne pas aller fricoter à l'étranger avec un homme mal élu, alors qu'on a tout ce qu'il faut à la maison.

Il fut un temps où la fierté d'être Camerounais était une réalité. Or, la fierté collective n'est que la somme des modesties individuelles. Ce qui se passe à Libreville est symptomatique : Samuel Eto'o, en mettant son talent, sa fortune et sa renommée au service de son seul orgueil personnel, a durablement détruit l'orgueil de groupe au sein des Lions Indomptables, la seule fierté qui nous restait en l'absence d'autoroutes, de TGV, de stades et de CAN à organiser.

Au fond, en dansant dans le vestiaire gabonais, le capitaine des Lions anciennement indomptables ne fait rien d'autre qu'achever de fouler aux pieds notre orgueil national.