Lorsque, en ce samedi 17 mars 2012, je m'installe à 18 h devant le match Tottenham-Bolton comptant pour les quart de finale de la FA Cup anglaise, je m'apprête simplement à passer une heure et demi d'un bon spectacle, car je sais que les Spurs ont à coeur de redresser la barre suite à une séquence plutôt négative ces derniers jours.
En 40 minutes, tout a changé.
Au moment où je commence cet article, l'un des joueurs participant à ce match est entre la vie et la mort.
Fabrice Muamba s'est écroulé seul au milieu du terrain, quelques minutes avant la pause, et alors que les deux équipes étaient à égalité (1-1).
Des interruptions sur blessure, il y en a dans un match sur deux. Mais il m'a fallu juste une seconde pour comprendre que cette interruption là allait me renvoyer à Gerland, le 26 juin 2003, le jour où tout a aussi changé pour nous, Camerounais, avec le décès de Marc Vivien Foé.
Peut-on devenir expert du malheur ? La question peut se poser, car nous étions quatre à regarder le match, et c'est mon attitude qui a alerté mes amis : j'avais tout de suite compris. Les joueurs des deux camps visiblement choqués, l'entraîneur Owen Cole de Bolton appelé en urgence auprès du joueur, et la caméra de ESPN qui élargi son champ.
Car le traitement médiatique de ces tragiques accidents a changé, et les images insoutenables de Foé auront au moins servi à cela : la télévision s'abstient désormais de montrer un gros plan du joueur en arrêt cardiaque. Personne ne mérite de mourir en mondovision, et personne ne mérite de voir son père, sa mère, son enfant, son ami, son compatriote mourir de la sorte.
L'attitude des officiels a aussi changé : alors que Blatter avait choqué les observateurs en demandant aux Lions Indomptables de continuer la compétition en 2003, l'arbitre Howard Webb a arrêté la rencontre, car il savait que les joueurs n'auraient pas les jambes pour continuer. Et comment ne pas saluer le comportement du public de White Hart Lane, qui a fait preuve d'une correction exemplaire après avoir encaissé ce choc en direct.
Nous avons immédiatement pris de l'information auprès d'un ami qui se trouvait au stade, à Londres, et ce qu'il nous a dit a achevé de nous glacer d'effroi : Muamba s'est écroulé seul, face contre terre, et faisant des mouvements convulsifs. Et ce sont deux joueurs de Tottenham qui ont immédiatement appelé les soins en criant "he collapsed". Ensuite, au moment où la civière passait vers le tunnel, le joueur ne respirait plus.
Au moment où je publie, il y a 40 minutes que le joueur a eu son attaque. Malgré l'éloignement de la caméra, j'ai compté six médecins et personnels soignant autour de lui. J'ai vu faire du bouche à bouche et utiliser un défibrilateur. Ces soins sur le terrain ont duré dix minutes.
Tous les signes supplémentaires ne poussent qu'à l'inquiétude : le fait que les médecins aient décidé d'évacuer malgré la non reprise de conscience et de respiration, et surtout le manque de nouvelles presque une heure après la perte de connaissance.
Fabrice Muamba doit fêter ses 24 ans le 6 avril prochain, et j'espère ne pas avoir à revenir sur cet article pour mettre cette phrase à l'imparfait définitif.
Le désarroi des joueurs des deux équipes en images.