Copé entre oublis et caricatures sur les retraites

Publié le 17 juin 2013 par Pscauxcailly

Député-maire de Meaux, président de l'UMP, Jean-François Copé était l'invité dimanche de "Tous politiques", une émission de France Inter dont Le Monde est partenaire. Comme chaque semaine, nous avons vérifié ses propos.


Copé : "du recul sur la manière dont travaille... par franceinter

1 / Erreurs et caricatures en série sur les retraites

Une grande partie de l'émission a été consacrée à la réforme des retraites. L'occasion pour Jean-François Copé de lancer plusieurs critiques et déclarations, loin d'être toutes exactes.

>> Ce qu'il a dit : Nous, nous avons fait à droite de très nombreuses réformes sur les retraites en n'indiquant jamais que c'était des retraites définitives. Les choses avancent, évoluent. On a toujours dit qu'il y aurait des rendez-vous réguliers sur les retraites"'.

>> Pourquoi c'est discutable ? Que la droite, lorsqu'elle était au pouvoir, ait mené des réformes des retraites est indéniable : celle de 2003, celle des régimes spéciaux en 2007 et la réforme de 2010.

En revanche, qu'elle ait à chaque fois précisé qu'il y aurait des rendez-vous réguliers est plus discutable. En 2010, l'UMP et le gouvernement avaient au contraire axé leur communication sur le fait que cette réforme allait régler le problème pour longtemps. " la question de la pérennité de nos systèmes de retraite sera réglée à l'automne prochain" , promettait Nicolas Sarkozy le 15 février 2010 ,

Si entretemps le gouvernement avait reconnu que la réforme devrait être améliorée rapidement, M. Sarkozy avait persisté à insister sur l'aspect "sauvetage" du régime grâce à sa réforme. En novembre 2011, il ajoutait : " Avec la réforme des retraites de 2010, nous avons voulu sauver la branche retraite de notre modèle social". Cette réthorique du sauvetage pérenne a été beaucoup employée pendant la campagne présidentielle également.

"Les propositions du rapport Moreau, c'est exclusivement des hausses d'impôts. Pardon de vous le dire, mais ce n'est absolument pas comme ça que l'on va réformer les retraites".

>> Pourquoi c'est là aussi discutable ? Le rapport Moreau, commandé par François Hollande pour dresser des pistes de réforme des retraites, doit résoudre la question clé du financement de celles-ci. Il é tudie plusieurs pistes, qui intègrent différents paramètres : hausse de la durée de cotisation, plus ou moins rapide selon les hypothèses, mais aussi réflexions sur la convergence public-privé.

Il est donc faux de dire qu'il ne comprend "que" des hausses d'impôts. Faux, et qui plus est quelque peu étrange : la question étant celle l'équilibre financier des régimes de retraites, à moins de diminuer les montants des pensions, la seule solution immédiate passe par de nouvelles recettes, donc une hausse de fiscalité, les mesures d'âges ne suffisant pas à elles seules à ramener l'équilibre. C'est déjà ce que la droite avait fait en 2010, avec 3,7 milliards d'euros de recettes nouvelles, grâce à une série de hausses d'impôts et de taxes. M. Copé, qui sait probablement tout ceci, est ici dans un registre assez caricatural.

>> Ce qu'il a dit : "Je dis qu'aujourd'hui que lorsque vous êtes salarié du privé et que vous travaillez le même nombre d'années et bien le calcul pour vous n'intègre pas de primes non plus, par définition, et c'est sur les 22 dernières années".

>> Pourquoi c'est faux ? Le mode de calcul d'une pension est basé sur les 25 meilleures années de la carrière (et non 22) pour tous les salariés nés après le 1er janvier 1948.

Quant aux primes, elles sont en réalité systématiquement comptabilisées dès lors qu'elles sont comptées dans le salaire brut. Le principe est que tout revenu qui a été soumis à cotisation sociale entre en compte dans le calcul, y compris primes, gratifications, pourboires et prestations familiales. Seuls l'intéressement et la participation échappent aux cotisations. M. Copé se trompe donc totalement sur ce point. En outre, il faut rappeler que les primes de certains fonctionnaires peuvent représenter jusqu'à 50% de leur traitement, ce qui justifie leur intégration dans le calcul de leur pension.

>> Lire : Retraites, public-privé, quelles différences ?

>> Ce qu'il a dit : J'ai regardé avant de venir vous voir, la totalité des pays européens sont à 65 (année minimale de départ en retraite, NDLR), des grands pays européens. Nous sommes à 62.

>> Pourquoi c'est discutable ? M. Copé n'a pas tout à fait tort, comme le montre ce tableau : en Allemagne, en Belgique, au Danermark, en Finlande, en Irlande, l'âge de départ est supérieur ou égal à 65 ans. Mais toute l'Europe n'est pas dans ce cas. Ainsi, l'Autriche, L'Estonie, la Grèce, l'Italie, la Lituanie, la Pologne, la Grande-Bretagne... Ont des âges de départ différenciés entre hommes et femmes, celles-ci pouvant partir en général plutôt à 60 ans quand les hommes sont au-dessus.

D'autres pays ont des âges flexibles, comme le Luxembourg ou la Suède. Surtout, plus que l'âge de départ, c'est la durée de cotisation qui fixe le moment où les gens partent en retraite. Et à ce niveau là, la France est plutôt parmi les pays où cette durée est élevée : 40,5 et bientôt 41 ans, quand l'Espagne est à 35 ans, comme la Belgique ou l'Italie. En Allemagne, elle est de 35 ans actuellement, mais va être augmentée. Au Royaume-Uni, il suffit de 30 années de cotisation.

2/ Un crédit d'impôt qui peine à décoller... Car il ne sera opérationnel qu'en 2014

>> Ce qu'il a dit : "Il se trouve que je vais peut-être vous révéler si vous l'ignorez un chiffre accablant à propos du fameux crédit d'impôt qui était censé remplacer en mieux la baisse des charges sur les entreprises. À ce jour, sur les 2 millions et demi d'entrepreneurs français, seulement 4300 entreprises, c'est-à-dire 0,17 % des entreprises ont jusqu'à présent eu recours à ce crédit d'impôt. Vous vous rendez compte de l'échec ?"

>> Pourquoi c'est en partie faux ? M. Copé évoque le crédit d'impôt compétitivité, mis en place fin 2012 par le gouvernement, et qui doit permettre de diminuer l'impôt sur les sociétés en... 2014. Il est donc assez logique qu'en 2013 le dispositif ne tourne pas à plein.

Le patron de l'UMP fait allusion au fait que les entreprises ont, en 2013, la possibilité de percevoir une avance, grâce à un mécanisme de préfinancement. Et c'est ce dispositif d'avance qui fait peu recette, avec seulement 4324 entreprises sur 2,5 millions qui y ont eu recours. Pour le moment le démarrage de ce principe d'avance est lent, du fait notamment de craintes de redressements fiscaux . Mais dire que le dispositif même du crédit d'impôt, qui n'entrera pleinement en charge que l'année prochaine, est un échec, est pour le moins grossir le trait.

3/ Un nombre d'adhérents bien gonflé

>> Ce qu'il a dit : Vous savez, quand vous présidez une grande formation politique, 315 000 militants, des élus locaux dans toute la France et surtout une mission, reconquérir le cœur des Français après la défaite très lourde de l'année dernière et bien, votre mission, elle est d'avancer avec un objectif

>> Pourquoi c'est faux ? Il faut remonter loin pour trouver une UMP forte de 315 000 adhérents. Le parti comptait, fin 2012, 280 000 militants inscrits. Et à l'heure actuelle, il n'y aurait eu, selon les révélations du que 84 000 renouvellements d'adhésions, soit un rythme mensuel de 14 000. Le parti devrait donc, à ce rythme, finir l'année aux alentours de 260 000 adhérents. Il faut revenir à la fin 2008 pour que le parti de droite se place au-dessus de la barre des 300 000 adhérents.

Samuel Laurent

source : http://decodeurs.blog.lemonde.fr